Il ne me reste plus qu’à prendre discrètement mon manteau et sortir comme un voleur.
Le bruit, la musique, les lumières, tous ces gens qui parlent fort et rient aux éclats me fatiguent et me donnent la migraine.
Encore quelques pas et voilà, la porte de l’ascenseur se referme. Je laisse derrière moi l’ambiance enfumée et embuée de l’appartement où s’est déroulée cette pseudo fête.
Une fois dans la rue, je respire profondément, la fraîcheur de l’air me revigore. Il est trois heures du matin. Je souris. J’aime marcher dans Paris et longer les bords de Seine déserts. C’est décidé, je n’appelle pas de taxi, rien ne me presse et un peu de marche me fera du bien. La nuit est belle et une brume légère, comme une caresse, enveloppe les lumières de la ville qui se nimbent d’un halo évanescent.
Je suis seul sur les trottoirs de la cité endormie et je ne pense plus qu’à cette plénitude qui m’envahit, qu’à ce bonheur simple de respirer, qu’au confort de n’être que moi et seulement moi.
Mais soudain, au creux de ma poitrine, je perçois un bruit léger, comme celui d’un morceau de tissu qui se déchire et la douleur qui l’accompagne me terrasse. Mes jambes se dérobent et je m’écroule brutalement, géant d’argile que la terre engloutit.
Autour de moi, c’est l’obscurité, le vide, le néant. Je ne sais plus où je suis. J’ai mal. Je voudrais crier mais aucun son ne franchit le seuil de mes lèvres. Je voudrais me relever mais mon corps ne m’obéit plus. J’ai peur.
Je voudrais tant que tu sois là.
Ma vie défile derrière mes yeux clos, des visages se bousculent, certains que je croyais oubliés, d’autres dont je ne me souviens même plus. J’entends des rires, des larmes, je vois des regards d’amour, des regards de haine, des regards absents, mais un se superpose aux autres.
Je voudrais tant que tu sois là.
Je ne vais quand même pas crever comme un chien comme ça tout seul moi qui ai toujours détesté la solitude.
Je voudrais tant que tu sois là, tes yeux si clairs, ton sourire, tes mains qui savent si bien apaiser mes doutes. Je te vois, je te ressens, là, au plus profond de ma chair, tu es en moi, gravée dans ma mémoire. Ton image me hante, elle danse, tourbillonne et lentement s’efface au rythme de la vie que je sens s’échapper. J’aimerais la retenir mais je n’ai plus l’envie de me battre. Je renonce. Une fois de plus, je dépose les armes. Je n’ai fait que cela toute ma vie. Longtemps, j’ai cru que c’était ma force, je m’enivrais d’indifférence et d’abnégation. Et puis, il y a eu toi que j’ai laissé s’envoler sans faire un geste pour te retenir.
Aujourd’hui il est trop tard et je comprends mon erreur, j’aurais du batailler, j’aurais du lutter, j’aurais du trouver les mots qui t’auraient amarrée à moi comme un bateau à son port d’attache.
Mais je t’ai regardée partir sans un mot sans un geste dans le silence absurde de mon orgueil insensé.
Je ne souffre plus maintenant, il ne me reste plus que quelques secondes. Viscéralement, je le sens, je le sais.
Ton sourire, tes yeux... une dernière fois...
Et si tout cela n’avait été qu’un rêve !
Je voudrais tant que tu sois...