Les yeux perdus dans la soupe, le cœur sur la paupière, et la tête dans l’assiette Jean dit le pauvre regardait l’automne s’en aller en rêvant de Casanova, et de Dieu le père.
En face , la mère, la vieille comme il disait, celle qui a eu le ventre rond et qui s’est boudinée avec la vieillesse et dont les seins touchent le nombril avale sa soupe en silence, le regard vide, fixe, fatigué et essoufflé.
Et l’horloge tape les secondes, les minutes et les heures que le père scrute sans mot dire en maudissant ce moment.
Lui attend le soir, le café et le temps où force de bières, l’esprit carillonnera !
Et il sera soûl le soir, comme chaque soir et il frappera la mère, comme tous les soirs et les chiens seront chassés à coup de pied pour hurler dehors dans le froid et le fils ne dormira plus.
Et l’on remplira son verre , de manière à le mettre un peu plus en colère et il voudra abuser de la mère dégoûtée. Elle , vomissant les bières du mari, les bières qu’elle n’a pas bu, les bières sans l’espoir et se laissera faire imitant le plaisir pour échapper à la gifle.
Jean le pauvre n’a plus les yeux dans la soupe, il a les paupières sur la gâchette, le doigt fixant son père, le coup est parti, son regard fixe reste derrière les barreaux !