Première journée d’automne. Les lads ont distribué eau et foin dans tous les box. Ils terminent le balayage, tout est calme. Les perles de rosée illuminent la pelouse sous les premières lueurs de l’aube. Le chant des oiseaux s’éveille doucement.
Les portes de la maison de maître s’ouvrent pour laisser le passage à un imposant danois arlequin. Il stoppe sur le perron, renifle les odeurs, tête droite, sens en éveil, seule sa truffe bouge.
Un bruit de porte que l’on ferme derrière lui. Les battements de sa queue manifestent sa joie. Il saute les marches et foncent vers les stalles.
Je l’entends arriver. Je piaffe. Impatient du bonheur qui s’annonce.
Un garçon d’écurie s’avance portant une selle féminine, il ouvre le portillon, quelques pas et d’un geste ample la pose sur ton dos. Il l’attache, puis prend ma longe et m’emmène au dehors.
Premier rayon de soleil. Une ample jupe d’amazone danse au rythme de son pas décidé.
Le dogue gambade autour d’elle, jappe joyeusement. D’un grognement amical, elle le calme, il vient se frotter contre ses jambes. Elle le gratouille derrière les oreilles.
Elle se tient maintenant devant moi. Yeux dans les yeux, nous mettons nos humeurs au diapason. Elle est joyeuse ce matin, un doux sourire rêveur sur ses lèvres. Son bonheur est mien aussi maintenant.
Elle lève son bras, glisse ses doigts le long de ma tête, flatte mon encolure d’une petite tape affectueuse, pose son pied dans les mains jointes du lad, elle hisse d’un simple mouvement de hanche son corps souple sur mon dos.
Je redresse fièrement la tête et dès qu’elle a pris les rênes, je me laisse guider par son désir.
Au pas tout d’abord, puis au trot, nous atteignons la forêt. Nous obliquons vers le sous-bois. Les feuilles mortes étalent un tapis humide sous mes sabots. Les sons amortis s’accordent à merveille avec la tendresse de cette promenade matinale.
Tranquillement, nous nous enfonçons davantage. Sur la droite, un lapin gris détale, à gauche, des mésanges s’envolent. Des traces fraîches d’une harde de sangliers, deux adultes et six petits apparemment. Ici, ils vivent sans craindre les chasseurs, seule la paix est acceptée en ces lieux.
Au pied du chêne remarquable, une légère mais ferme secousse sur les rênes et je m’arrête, tourne sur moi-même, je la sens intriguée par un je ne sais quoi...
Qu’a-t-elle cru sentir ? Il n’y a rien, sinon le chien nous aurait avertis. Lui aussi l’attitude de sa maîtresse, le met aux aguets.
Elle exhale un profond soupir. Aucune tristesse, aucun regret. Non, l’impression qu’elle se moque un peu d’elle-même comme si les raisons de ce merveilleux sourire de bonheur qui plane sur son visage étaient là, avec nous.
Loin des yeux, loin du cœur....seulement pour les amoureux d’un été.
L’esprit des amis de l’automne accompagne l’amazone sur les sentiers de la vie.