Il a franchi tant de déserts où les rêves enfouis, ombres de solitude, s’éteignent comme des étoiles mortes. Il a vu tant de rivières taries où la vie se taît comme le souvenir d’un regard absent. Il a traversé les plaines où la terre gémit, abreuvée de sang et de haine, gravi des montagnes immenses surplombant les misères du monde.
Il a porté au plus profond de lui tant d’espoirs et de désirs devenus mirages que son regard est mort tandis que son cœur se fermait comme une coquille vidée de son précieux contenu. Il a serré les poings, il a pleuré aussi parfois lorsque les cieux se voilaient de silence.
Le vin le plus savoureux s’emplissait d’amertume au contact de ses lèvres et la soie la plus fine abjurait sa douceur quand ses doigts l’effleuraient. Il n’était plus qu’une ombre blafarde, illusion de vie, utopie d’existence qui errait sur la terre comme un spectre anéanti en quête d’avenir. Lassé de ce voyage au cœur de la méprise, il s’est assis au centre d’une prairie dont le soleil avait consumé jusqu’au dernier brin d’herbe et pour la première fois depuis tant d’années il a fermé les yeux.
Il ne l’a pas vue lorsqu’elle est venue à lui, posant ses mains blanches sur sa peau d’enfant blessé. Mais il l’a entendue quand dans un souffle si tendre elle a murmuré cette étrange prière dont il ne pouvait comprendre les mots.
Et dans son cœur la vie peu à peu s’éveilla, une eau cristalline et fraîche enivra les rivières, les arbres reverdirent et les fleurs grisèrent les campagnes désertes. C’est à cet instant qu’il comprit qu’il avait oublié l’essentiel et la passion, comme une vague montante qui s’abat sur la grève inonda son âme et le transporta vers les mondes inconnus des étoiles lointaines.
Alors, il a ouvert les yeux et son regard s’est noyé dans l’émeraude d’un océan d’amour...