La petite fille est à l’extérieur. Il fait froid. Elle s’est assie dans la neige et entoure ses genoux de ses bras nus. Ses jambes et ses pieds ont pris une couleur violette tout comme ses lèvres, et des flocons de neige tombent dans ses cheveux, y parsemant une couronne d’étoiles fines et blanches. Elle ne tremble pas, mais réfléchit : elle se trouve quelque part entre deux maisons, l’une blanche, l’autre noire. Les deux portes sont fermées, mais elle pourrait aisément entrer dans l’une d’elle. Le seul choix qu’elle aurait à faire serait de choisir entre deux possibilités : aller vers les autres et rester seule. Mais comment savoir ce qui était bien et ce qui était mal ?
Elle lève la tête, les larmes brouillant sa vue sur un son de violon, écoutant une voix chanter des paroles qui lui rappelaient tant de souvenirs qu’elle s’efforçait de laisser derrière elle en désirant toutefois les retrouver, sans savoir encore ce qui était blanc et ce qui était noir. Le choix en apparence simple amenait cependant, en fonction des possibilités différentes, des conséquences tout à fait opposées. Mais comment faire alors qu’elle s’était promis de rester seule, dans le noir, dans le froid, pour leur permettre de retrouver la lumière ?
Encore une fois, elle ferme les yeux, et ne fait que sentir les larmes couler le long de ses joues, se demandant une fois de plus ce qui était bien pour eux, quitte à ce qu’elle reste dans le froid jusqu’à mourir gelée. La petite fille vit une enfant de son âge, qui vendait des allumettes un peu plus loin, et qui disparaissait peu à peu. Lorsqu’elle se retrouva à nouveau seule, elle se demanda pourquoi tenir son choix de départ était aussi dur, pourquoi elle avait tant besoin des autres qui eux avaient peut-être besoin qu’elle se détache d’eux, elle se demanda pourquoi elle ne pouvait pas avoir d’amis, elle aussi, sans qu’elle ne se condamne à rester dans le froid, pour attendre, penser sans réfléchir, et vouloir que tout s’arrête...
Alors, telle la petite fille aux allumettes qui disparut dans la nuit après avoir vu tout ce qu’elle aurait aimé atteindre, l’enfant à la couronne d’étoiles s’endormit dans la neige, qui se déposait sur ses cheveux chatains, et alors qu’elle fermait les yeux pour atteindre le noir le plus complet, elle vit chacun de leurs visages tel qu’elle ne les avait jamais vu, avec un sourire joyeux car elle ne faisait plus partie de leur vie, elle ne faisait plus partie de leur mémoire. Alors, la petite fille sourit, et sa vie s’échappa dans la neige, dans cet entre deux.