Las de traîner ses chaussures trouées, il s’assit sur un banc en face de la jetée. Son manteau usé jusqu’à la corde témoignait de ces nombreuses années passées dans la rue. Il mâchouillait une pipe percée et portait une vieille casquette bleue comme celle des marins.
Son visage sans âge buriné par le vent et le soleil reflétait les saisons qu’il avait traversées. Il regardait la mer et racontait à qui voulait l’entendre le récit de ses nombreux voyages, de Valparaiso à Bornéo en passant par Shanghai ou Port-Saïd.
Il décrivait la danse des dauphins qui accompagnaient la route des bateaux et relatait tant d’aventures merveilleuses de baleines et de monstres fabuleux qui peuplaient les abysses que je restais des heures à l’écouter.
Il demeurait assis des jours entiers scrutant l’horizon de ses yeux délavés par tant de jours et de nuits sans sommeil.
Il parlait d’un voilier, un trois mâts magnifique à la voilure immaculée et gigantesque, improbable rêve d’un esprit torturé par la solitude.
Il disait qu’un jour il embarquerait à son bord pour un ultime voyage vers l’infini.
Un matin le vieil homme n’était plus là. Nul ne put me dire où il était parti, alors, je me suis assise sur le banc en face de la jetée, j’ai tourné les yeux vers la mer inexorable et infinie, espérant voir au large les voiles blanches d’un oiseau des mers et je l’ai attendu.