La nuit s’achève. Les démons ont regagné leurs antres. Sur le chemin de terre, je presse le pas. Les bouleaux immobiles croisent leurs hautes branches retardant l’apparition des premiers rayons de soleil. Enfin, l’orée avec son étonnante clairière fleurie et son allée de cailloux blancs avançant en zigzag vers le porche de pierre de l’ancien monastère.
Une liane de chèvrefeuille courre le long du chambranle, seule tache de verdure sur ces hauts murs usés par les siècles passés.
Je m’arrête un instant pour contempler le merveilleux spectacle de la rosée du matin éclairée par l’aube et recouvrant de milliers de perles de diamants les pétales de roses, les feuillages des buissons de buis, l’herbe tendre des carrés de pelouse disséminés comme le damier d’un gigantesque échiquier. Une odeur d’humus vient ajouter une touche automnale à ce tableau.
La solitude des lieux m’apaise comme une caresse de douceur dans la dureté de mon quotidien.
Sous mes semelles, le gravier crisse comme le froissement d’un carré de soie d’organdi. Un pas devant l’autre, une minute après l’autre, le futur s’approche et se transforme en présent, le présent devient le passé.
Je passe l’entrée.
Un escalier à double hélice, blanc et noir, bonheur et malheur, notre quotidien.
A gauche ses marches dans l’ombre de la descente, chaque degré plonge dans les ténèbres des jours sans soleil, des heures où règnent en maîtres absolus désespoir, chagrin, larmes, trahison, amitié infidèle, amour déçu, déceptions et décès.
Tandis qu’à droite, une lumière chaude, nous invite au bonheur, à la passion, à la joie de vivre des instants inoubliables aux côtés de personnes sincères, constantes dans leurs sentiments, ouvertes aux autres, sans jugement hâtif et préconçu, donnant sans rien demander en retour.
Je ferme les yeux, tourne sur moi-même et comme je m’arrête, j’emprunte la marche du jour.
Monter, descendre, osciller, hésiter, choisir, se laisser guider, tous les chemins mènent vers notre destin.