Au détour de l’ancienne mairie, aujourd’hui les souvenirs s’entassent dans les bureaux transformés en archives, il faut bien un lieu pour ça, quand tu te lances après le rond-point, ça encadre la rue Piroddi, dans cette rue il y a mes joies, une douleur, mes joies, mais je n’en parle pas, alors après la boucle à la jetée, deux portes ouvertes sur les gréements proposent aux passants les asticots, les cannes, les combis de plongée. Tu traverses en deux pas, la serveuse te sourit, elle veux bien que tu t’assieds là pour prendre le café.
Aussi loin que je m’en souvienne, cet endroit s’appelle La Sirène. C’est mon berceau. J’entends les gens d’ici le dire : Viens boire un coup à La Sirène... Aussi loin que je me souvienne ma sirène était celle des chantiers, elle chantait le matin, elle chantait le soir, à cinq heures...
Elle battait au cœur de la ville, disait il est midi, s’accordait au clocher de l’église, la grande sur le Vieux Port, elle donnait le rythme, jouait du cor. La Sirène c’est un instrument à vent. Faut du souffle pour l’animer, faut de l’âme.
Il y a eu des moments où je n’en avais plus. J’ai respiré après la fête nationale, me suis remise en apnée, respiré encore un peu, me suis évaporée, la mer est bien trop grande, je suis bien trop petite.
Il y a la sirène qui joue dans mon oreille, ça lui plait bien comme salle de concert, mon âme. Joue petite sirène, joue ... Joue contre joue, joue dans ma joue, parle dans ma gorge, prends ma voix pour dire.
Un jour je t’ai revu, après la fête nationale, j’ai eu un tel souffle que les mots ont explosé, ont eu cette force qu’ils n’ont jamais eu. C’est aussi pour ça que je te réclame encore...