Quand grand père remarquait que je devenais fatiguée et que je ne pouvais plus suivre ces grands pas, il me demandait toujours de me mettre au dessous d’un figuier pour m’éviter les coups de soleil. Il me disait que ce figuier était aussi vieux que lui et je ne comprenait pas comment un arbre pouvait il être plus âgé qu’un être humain !!
Je remarquais souvent sur la colline la présence d’un petit corps d’une femme, observant son petit troupeau d’agneaux et de brebis qui étaient protégés soigneusement par deux chiens. Ces petites bêtes qui surveillaient parfaitement ces animaux n’oubliaient guère de jeter des coups d’oeils à la maîtresse qui par un simple cris et par un geste si banal pour moi commençaient a regrouper le cheptel et le faire diriger vers le nord sûrement vers là ou elle habitait.
Cette femme que je remarquais, avait des cheveux noirs ébène cachés en dessous d’un foulard rouge qui laissait apparaître deux longues nattes qui semblaient être deux serpents qui allaient et revenaient selon la démarche de cette bédouine. J’apercevais très mal ces traits ni son visage mais je voyais qu’elle était trop habillée. Je voyais qu’elle cachait soigneusement ces jambes par un pantalon aussi épais que sa robe couleur de terre et mettait un anneau sur sa cheville couleur d’argent et comme chaussures….rien ! Nus, elle avait les pieds nus !! Ses pieds étaient teints du rouge avec le henné comme ces petites mains.
En s’approchant encore plus de nous, je remarquais qu’elle avait de grand yeux tracés avec du noir, des yeux tracés avec du Kohl qui mettait ses yeux en valeur et leurs donnait une expression très féerique. Son regard était très perçant, sûrement afin de faire fuir les malhonnêtes puisqu’elle était contrainte de faire des kilomètres pour faire manger son troupeau !!
Son passage était rapide, je me souviens qu’elle avait jetée un regard vers moi dont je ne connaissais la signification. Elle m’avait a peine sourie puis ses pas commençais à doubler la cadence ; puis elle posa son regard vers l’horizon, car ces chiens l’avait dépassés et il fallait qu’elle les rattrapes.
Ce que je vous raconte ici, c’est l’histoire d’une bédouine qui avait a peine onze ans ! Oui, ce n’était pas une femme comme vous l’aviez pensé ; c’était une fillette qui gagnait durement sa vie. Au moment où nous avions ce que nous voulions ou presque de cette vie, il y avait des enfants qui n’avaient rien !
Une bédouine dont le visage est resté gravé dans ma mémoire. Une bédouine dont j’avais revu peut être trois fois (trois printemps) sans plus la revoir après. Qu’est ce qu’elle est devenue cette bédouine ? Je ne saurais vous répondre, peut être qu’on l’avait mariée (puisque en compagne on marie les filles très jeunes), peut qu’elle avait disparue dans la compagne. Ou peut être c’était qu’un mirage, une illusion…ou une hallucination après un coup de soleil dans une compagne si généreuse mais si imprévisible quand on ne la connaît pas !.