Je suis celle qui n’a jamais existé.
Je m’allonge dans l’herbe au crépuscule, et je regarde naitre les étoiles et mourir le jour, poignardé par ces milliers de lucioles vacillantes, punaisées à la voûte céleste. Je ne sens pas la rosée qui s’écoule sur l’herbe caressante, je n’ai pas froid sous ce vent qui chasse le soleil au delà de l’horizon. Je suis celle qui n’a jamais existé, et ces sensations sont l’apanage d’un monde auquel je n’appartiens plus.
Je regarde les étoiles, comme certains regardent leur amant. Elles sont brûlantes, capricieuses, orgueilleuses. Elles se parent des couleurs du crépuscule, grandes dames aux toilettes changeantes, elles se voilent de brumes pudiques, enfants gâtées, fâchées de recevoir si peu d’attention de la part des hommes.
Je les appelle par leur nom. Je murmure avec les yeux dans le couchant vaniteux, je chuchote mon souffle dans le jour qui s’étiole ; elles me répondent en picotant mon visage, en taquinant mes paupières, en déposant une larme de leur beauté sur mes lèvres closes. Elles éveillent le fantôme du monde d’avant, dernières gardiennes de ma raison, ultime garde fou de mes souvenirs. Parfois, bercée par le murmure enjôleur de leurs promesses, je suis celle qui autrefois exista .
Mais, toujours, ils reviennent me chercher, m’enlèvent au regard de la nuit. Et toujours, ils me portent à nouveau dans cette chaise que je hais, aux coussins luxueux que je ne peux pas sentir, toujours, ils m’enferment dans cette réalité que je voudrais fuir, et toujours, toujours, quand la porte se referme sur les étoiles embrumées, je redeviens celle qui n’a jamais existé.