Les premières notes résonnent dans la salle.
Elle élance le bras, en douceur, cherchant à coller le plus précisement possible son geste à la musique.
A partir de ce moment, le décor s’efface. Les personnes qui l’observent se fondent dans la masse ; elle ne distingue plus leurs visages. Le grand miroir de la salle ne renvoie plus qu’un reflet vague et incertain. Elle reconnaît à peine sa propre image, celle d’une jeune fille semblant renaître tout à coup, se dressant fièrement dans sa robe noire.
Elle est à présent sûre de ses gestes, les esquissant avec l’assurance d’une personne se trouvant dans son élément naturel.
Ses mouvements sont fluides, naturels, sans artifices. En dansant, elle se trouve mise à nue, montrant ses faiblesses et ses forces.
Mais elle ne se sent pas vulnérable. Au contraire, elle est plus forte, revigorée par les douces notes du piano.
Elle ne veut plus faire d’un avec cette musique. Calquer ses pas sur cette mélodie. Faire naître des mouvements identiques aux sons de l’instrument.
C’est un travail difficile, harassant, exigeant toute sa concentration.
Cependant, cette application lui permet d’oublier le poids de l’existence ; pendant quelques instants, elle est libérée de tout ce qui la pèse et la tourmente. Ses soucis s’envolent en même temps que les notes.
Ainsi affranchie, libre, elle tourne, virevolte, les pans de sa robe la suivant dans cette course folle, bruissant légèrement et produisant un son rassurant et protecteur.
Elle n’a besoin de rien d’autre. Elle n’a pas besoin des regards admiratifs fixés sur elle. Ni du sourire fier et encourageant de son professeur.
Et pourtant...
Pourtant, cette musique a une fin. Et elle est arrivée.
Alors, la danseuse, un sourire marquant ses lèvres, regagne un coin de la salle, sa robe jouant au gré de sa démarche. Maintenant, elle sait qu’elle est heureuse.
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La danseuse
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