Je viens de me suicider, une balle dans la tempe, c’est pas joli joli, je sais , il y a du sang partout mais c’est comme ça…J’en avais marre de la vie ! « Oui, j’aurais pu faire ça proprement, Françoise, mais j’avais pas envie ». Françoise ? C’est ma femme de ménage, enfin mon ancienne femme de ménage, celle que j’avais quand je vivais encore, je ne l’ai jamais aimée et je ris à l’avance du boulot qu’elle va avoir pour nettoyer tout ça.
Suicidée, si on m’avait dit ça il y a quelques mois, c’est certain j’aurais éclaté de rire mais c’était sans compter avec ce qui m’est arrivé.
Il y a un an à peu près, j’étais une jeune femme banale, plutôt insignifiante, enfin même assez moche pour être franche et je trimais comme une malade pour boucler mes fins de mois que je ne bouclais jamais de toute façon.
Je ne savais pas dire non, ce qui faisait que je me retrouvais toujours entourée d’une ribambelle de personnes que je n’aimais pas à faire une multitude de choses qui m’ennuyait profondément, me faisait perdre un temps fou et ne me rapportait rien d’autre que la pseudo considération des gens qui se disaient être mes amis et qui profitaient bien de ma gentillesse. Vous connaissez le proverbe « trop bon, trop… » je vous laisse finir… !
Donc il y a un an, au cours d’une de mes longues promenades sur la plage, voilà que je trébuche sur un truc émergeant du sol, je m’accroupis, je commence à creuser repoussant le sable de mes mains et je trouve non pas un trésor, pire que ça, une espèce de lampe à huile hideuse. Je m’apprête à la jeter à la mer quand d’un seul coup je repense à la vieille histoire d’Aladin.
Je la ramène chez moi et commence à l’astiquer, et comme par miracle, une fumée verdâtre en sort et devant mes yeux ébahis, se matérialise une sorte de génie très laid quelque peu effrayant qui me dit : « tu as trois heures pour formuler trois vœux que je réaliserai ô Maîtresse puis pour qu’ils soient exaucés tu devras me jeter à la mer. Attention, réfléchis bien car tu ne pourras jamais faire marche arrière. Lorsque tu auras choisi, frotte la lampe et je satisferai tes désirs ».
Trois vœux ?
Trois vœux c’est pas beaucoup mais en même temps il ne faut pas que je me loupe. Qu’est ce qui me ferait le plus plaisir ? Etre riche, être belle ça c’est logique mais le troisième… ? J’étais en pleine réflexion quand la providence décida de me faire signe par le biais de la sonnerie du téléphone.
Je décroche et là j’entends la voix de l’homme de ma vie, celui qui fait vibrer mon cœur depuis plusieurs mois. Il m’appelle, ça y est c’est gagné, il s’est enfin rendu compte qu’il m’aimait ! J’essaye d’être calme et le salue sobrement et voilà qu’il me dit : « salut Sophie, tu sais ma puce que je te considère vraiment comme mon meilleur pote alors je voulais partager avec toi le plus beau moment de ma vie en avant première. Figure-toi que j’ai demandé à Mélanie de m’épouser et qu’elle m’a dit oui. Tu te rends compte, je suis fou de bonheur ».
Oui je me rends compte, mon cœur vient de se briser en mille éclats, mes yeux se sont transformés en fontaine et je suis incapable de lui répondre à cause des sanglots qui m’obstruent la gorge. Alors je raccroche sans un mot et laisse ma peine et mon désespoir se répandre sur le canapé. Ca y est je le tiens mon troisième vœu : ne plus aimer les autres, ça m’évitera d’être malheureuse.
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Décidée, je me saisis de la lampe, je la frotte avec force et le génie apparaît :
- Je t’écoute ô Maîtresse as-tu pris ta décision ? me demande t’il.
- Voilà Génie, je veux être aussi belle que Marylin Monroe, riche comme Crésus et dénuée de tout sentiment d’amour ou d’amitié envers les autres.
- Si tu as bien réfléchi et que tu es sûre de toi, retourne sur la plage et jette-moi le plus loin possible du rivage, alors tu seras exaucée dés demain.
Inutile de vous dire que je me suis précipitée, j’ai enfilé un manteau, une paire de chaussures et me voilà partie. Arrivée sur la plage, j’ai rassemblé toutes mes forces et j’ai lancé la lampe, puis je suis rentrée.
J’étais épuisée, je me suis allongée sur mon lit et quand je me suis réveillée le lendemain je pensais avoir rêvé ; Mais en allant dans la salle de bains, j’ai croisé mon image dans le miroir. J’ai du me pincer pour être sûre d’être consciente. Je ne ressemblais pas à Marylin, mais qu’est ce que j’étais belle.. ! Blonde, des yeux noirs en amande et une silhouette, je ne vous dis que ça…. !!
Avant même de prendre un café, je me rue sur le téléphone et décide d’appeler mon banquier qui me harcèle depuis un mois à cause d’un découvert que je n’arrive plus à combler. Il décroche, je me présente, il me répond à peine aimable et je lui demande de bien vouloir me donner le solde de mon compte. Je l’entends pianoter sur son clavier et là un grand bruit puis plus rien…j’attends quelques secondes, je discerne des éclats de voix puis quelqu’un reprend le combiné et me demande de rappeler dans un moment car le directeur vient d’avoir une crise cardiaque. J’exultais, ce sale type n’avait pas du en croire ses yeux !
Les jours qui suivirent furent les plus merveilleux de ma vie. Je ne fréquentais que des endroits chics où de jeunes hommes séduisants se bousculaient pour me tenir la porte lorsque j’entrais ou sortais, tout ce que je disais semblait d’une intelligence remarquable, certainement du à la hauteur de mon compte en banque et de ma beauté et l’on s’arrachait ma compagnie. Les femmes me jalousaient au plus haut point et leurs sourires et leurs « très chère » ou « chérie » n’avaient de mesure avec toutes leurs médisances. Mais rien ne me touchait puisque qu’elles m’indifféraient.
Je ne m’habillais plus que chez les grands couturiers et ne portais que des bijoux signés par les joailliers les plus reconnus. Le tout Paris ne jurait plus que par moi, de temps en temps j’accordais mes faveurs à un de mes nombreux soupirants et le quittais au matin sans le moindre regret.
Mais tout cela ne m’amusa qu’un temps, je me sentais de plus en plus seule malgré les nombreuses invitations, malgré ce téléphone qui sonnait sans discontinuer, malgré cette foule dans laquelle je me noyais désespérément. J’avais tout pour être heureuse mais je ne l’étais pas. Je devins odieuse avec toutes et tous, me jouant de leurs espoirs, ne m’attachant à personne.
Je fus lasse de cette vie futile, j’aurais voulu être aimée pour ce que j’étais et non pour ce que je représentais, j’aurais voulu aimer mais je ne ressentais qu’indifférence et mépris. Ah, je comprenais mieux ce qu’avait voulu dire le Génie !
Alors ce matin, j’ai pris le revolver qui se trouvait dans le tiroir gauche de mon bureau Empire et…vous connaissez la suite…