Le ciel était gris lorsque j’ouvris les yeux, les bougies du candélabre s’étaient consumées, laissant pendre de longues traînées de cire aux formes étranges. Sur la coiffeuse, la petite boîte bleue avait disparu mais je savais où la trouver.
La veille, j’avais vu qu’Hortense portait autour du cou, une chaîne fine où était suspendue la petite clé ouvragée qui ouvrait le secrétaire du bureau. La lecture du journal m’avait ouvert les yeux sur les tragiques événements qui s’étaient joués en ces lieux, et durant la nuit, je m’étais longuement interrogée sur les raisons qui avaient poussé Hortense à me confier ces pages qui l’accusaient et la montraient sous un jour plus qu’abominable.
Etait-elle réellement innocente ou au contraire suffisamment diabolique pour me mettre entre les mains les preuves de son machiavélisme et au même titre me faire comprendre que je serais sa prochaine victime ?
J’entendis des pas derrière la porte, puis du bruit dans la serrure. Instinctivement, je remontai les draps et fis semblant de dormir. J’entrevis Adrien entrer dans la chambre, un plateau à la main qu’il posa sur une petite table qui se trouvait devant la fenêtre.
Il s’approcha de moi, l’air un peu inquiet et m’appela doucement par mon prénom, Adèle. J’ouvris alors les yeux, il me sourit et me demanda si j’avais bien dormi et si je me sentais capable de me lever. J’acquiesçai alors il m’aida à me redresser, mais dés que je fus debout, une impression de vertige s’empara à nouveau de moi.
Il voulut que je m’allonge à nouveau mais je refusai, il fallait que je lutte contre ces troubles si je voulais en apprendre davantage. Il m’installa dans le grand fauteuil dans lequel il s’était endormi la veille avant l’arrivée d’Hortense et me servit une tasse de café.
Par la fenêtre, j’aperçus une espèce de petite gloriette entourée de buis et dans laquelle, se trouvaient deux magnifiques rosiers blancs. Comme j’interrogeai Adrien, il m’observa quelques secondes un peu interdit puis il me répondit :
Mais, Mademoiselle, c’est là que sont enterrés vos parents. Votre tante, connaissant l’amour que portait votre mère aux roses blanches a ordonné à Edouard d’y planter deux rosiers.
Ces paroles jetèrent le trouble dans mon esprit et j’ajoutai incrédule :
De mes parents ? Mais mon père n’est-il pas mort en mer ? Je pensais que son corps n’avait jamais été retrouvé.
Le majordome sembla très gêné et bredouilla quelques mots comme quoi ma mère avait exigé que l’on creuse une tombe dans laquelle elle avait placé un coffret contenant quelques objets personnels de mon père afin d’avoir un endroit où pouvoir se recueillir.
Adrien lui avez-vous fait prendre ses médicaments ? interrompit la voix dure de ma tante.
Adrien me tendit alors un grand verre d’eau.
Bonjour mon enfant, comment vous sentez-vous aujourd’hui ? Je vois que vous avez quitté votre lit, vous sentiriez-vous moins faible ? Si c’est le cas, vous m’en voyez ravie !
Je n’eus pas le loisir de répondre, car avant même que je puisse ouvrir la bouche, elle avait déjà quitté la chambre, enjoignant du regard Adrien d’en faire autant. Elle ferma la porte et je perçus une conversation dont seulement quelques bribes me parvenaient. Je compris qu’elle lui reprochait de m’avoir parlé de mes parents, et lui, de son côté tentait vaguement et poliment de se justifier.
Je profitai de ma solitude momentanée pour jeter le contenu du verre dans un vase qui se trouvait près de moi.
Lorsqu’elle entra à nouveau dans ma chambre, son premier regard fut pour le verre que j’avais reposé sur le plateau. Dés qu’elle vit qu’il était vide, elle sourit et me proposa de m’aider à me recoucher.
J’acceptai, car je savais maintenant que pour découvrir la vérité, il me fallait jouer le jeu.