Si la voix du poète se lève dans le jour finissant, c’est pour tisser de ses mots la grande toile du ciel où le soleil mourant pourra peindre les nuances de sa tendresse. C’est pour chanter au monde son amour ou sa peine, pour murmurer à la lune l’ineffable beauté des nuits où se confondent étoiles moribondes et novas scintillantes. Pour lui, les forêts profondes se parent de mille mystères et les arbres géants s’habillent d’humilité pour qu’il décrive encore leur splendeur et leurs ténébreuses silhouettes se penchant vers la terre en guise de déférence.
Si la voix du poète pleure en regardant la mer, c’est que lui seul entend les plaintes de ceux qui séduits par les reflets trop bleus se sont laissés épouser par les vagues célébrant leurs noces d’écume et de mort. Il gémit devant les bateaux immenses fendant les flots de leurs coques éblouissantes qui les mènent vers des paradis perdus qu’il ne verra qu’en rêve. Il s’émerveille, les larmes aux yeux lorsqu’au hasard d’une promenade il ramasse un coquillage dont les courbes roses de nacre le font songer à celle qui illumine ses jours.
Si la voix du poète se lève dans le jour naissant, c’est pour réciter à la brume la félicité d’aimer et la douceur de la rose éclose aux pétales de velours. C’est pour célébrer les oiseaux dont les chants cristallins lui font tremper la plume dans l’encre du plaisir.
C’est pour rassembler les hommes et étreindre leurs mains pour faire taire les armes dans sa quête effrénée pour la liberté.
Si les mots du poète se taisent alors le monde s’effondre et la vie s’échappe .
A quoi lui servirait d’exister sans les mots déclamés par cette voix aimée ? Pourquoi le soleil se lèverait-il sans personne pour le contempler ? Pourquoi la lune illuminerait-elle les ténèbres sans le regard amoureux qu’il pose sur elle ?
Alors, mon ami, mon frère, mon amour, laisse ma main glisser dans la tienne et de ta voix si claire écarte le doute qui assombrit mes yeux et de ta main si fine éloigne les nuages et fait renaître le ciel bleu.