J’ai suivi le chemin qui traverse la lande et longtemps j’ai marché l’âme légère sachant que chaque instant me rapprochait de lui.
Sont-ce les souvenirs à fleur de cœur ou la peur de vivre qui guident ainsi nos pas à la frontière des mondes ?
Enfin, j’ai quitté le sentier. Je sentais sous mes pieds craquer les bruyères exhalant des parfums de lichen et de résine, puis je me suis assise sur la mousse tiède, adossée aux murs de pierres sombres de la vieille chapelle en bordure de l’étang.
J’ai attendu.
Est-ce l’éclat du soir tombant qui donne à l’eau ces reflets mouvants d’ombre et de silence ou l’errance des souffles éteints qui traînent sur la lande ?
J’ai regardé le soleil se coucher et venir mourir à l’horizon de ma peine laissant les nues angoissées trembler puis se figer aux premiers scintillements de lune.
Peu à peu, est montée de la terre une brume évanescente comme une offrande faite au maître des lieux. Interminablement, j’ai guetté sa silhouette émaciée venue de l’ailleurs pour guider ceux d’ici dont la route s’arrête.
Sont-ce seulement les volutes des embruns qui font naître ces formes étranges qui semblent nous frôler dans un soupir ou nos propres doutes d’existence ?
Lorsque enfin, la nuit a recouvert la terre de son lourd manteau de ténèbres, le brouillard s’était intensifié laissant l’imaginaire prendre pas sur le réel ou peut-être l’inverse, je ne sais pas... je ne sais plus, égarée à la limite du rêve.
Il me semblait parfois l’apercevoir, la longue cape sombre lui battant les chevilles et le bâton à la main mais sans doute n’était-ce qu’un songe. A chaque fois, des gémissements, des plaintes rompaient le silence pesant de la lande. Ne sont-ce que nos illusions qui quelquefois nous font pénétrer ces terres inconnues où la vie et la mort se touchent du doigt, s’effleurent dans une improbable sarabande ou tout simplement nos désirs inaccessibles d’absolu ?
Longtemps, longtemps j’ai espéré sentir sa main se poser sur la mienne mais en vain. Et le jour enfin s’est levé, s’étirant comme un chat paresseux, dissipant les voiles opalescents. A la surface de l’étang miroitaient encore quelques âmes attardées surprises par les premières lueurs de l’aube.
Lentement, je repris le sentier, le cœur encore un peu plus vide qu’avant...