Tout est blanc
Le peintre se tient prêt , il est devant cette œuvre encore blanche comme l’ innocence . Il ouvre tout doucement les pots de peintures , pour profiter un maximum de l attente . Enfin il trempe le bout de son pinceau au creux d’un ,puis caresse généreusement la toile avec . Peu a peu elle se remplit de maintes couleurs , d’abord les sous couches pour les émotions d’un jour puis celles reflétant la personnalité de toujours .
Du bleu pour la douceur d’un ciel clément , du jaune pour la chaleur des objets émanants et même un peu de gris , mais attention , pas trop ! Juste pour illustrer les premiers jours de neige d’ une création encore enfant . Le peintre était prit dans son élan , lançant maintes lignes de fuites et de suite les cassants . Malgré que le résultat soit hésitant ... le constat pertinent était de dire que le tout prenait forme .
Hors norme et riche en couleurs vives , elle illuminait l’atelier .
Le peintre décida alors de reculer de quelques mètres comme pour laisser un peu de place pour respirer a l œuvre . En posant son ustensile il était heureux d’avoir fait de son mieux, mais la fatigue le prenait et il choisit d’ aller se reposer un peu, laissant le tout seul,en priant aussi que les couleurs ne varient pas avec la nuit. Cette nuit le peintre rêva , de tout ce qu il allait faire avec sa création , espérant maintes comparaisons avec ces modèles, désirant qu’elle s’assoit a la droite du précédent succès du peintre, que l on les nomment sœurs .
On dit que la nuit, tous le chats sont gris, mais on oublie aussi trop souvent , que la nuit même les coins les plus blancs deviennent gris .
Au réveil , en ouvrant son atelier , le génie crut d abord que sa petite œuvre était intacte même si elle était caché par l ombre da sa sœur, puis enfin il s’aperçut que si on la regardait de loin ou de près on ne voyait pas la même chose. De près tout était affreux et désemparé : le cadre dévorait, le noir débordait et l espoir périssait . Ce fut la première fois pour le tableau de voir un tel regard : une expression de dégoût dessinée dans les yeux de son père , trahissant plein de choses à son égard ; le fait d’être finalement rien , que jamais on la regardera , qu’elle n’ égalera jamais sa sœur , qu’au bout du compte exister n’aura rimé qu’a faire échouer l’ artiste dévoué.
Ce concepteur a cœur et âme pour la sauver oscillait à prendre le pinceau pour essayer d écraser les dégradés indésirables par d autres claires émotions ; et à prendre le plumeau pour la réconforter par quelques caresses . L’Œuvre été las et semblait indiquer a son maître un outil , cet objet qui en peinture sert contre les empattements : le tentant couteau ; cependant lui ne voulait étaler l’huile , ou sang de sa fille . L’artiste finit par abdiquer , il offrit au fruit de son inspiration un dernier échange en la prenant dans ses bras ... pour enfin la déposer loin de l entrée, et de ses succès .
Il n’y a plus aucun coin blanc ...
Finalement le peintre quitta son atelier , déçu du résultat au point de regretter d’ avoir perdu du temps pour cette œuvre ratée. Il ne se retourna même pas vers elle , point de haine ... point de pitié et encore moins d’espérance , sans doute l avait il déjà oublié et peut être même remplacé ? De toute façon elle était condamnée à n’être jamais regardé par tous ces gens admirant le peintre . Seul le temps continuera de la voir, lui craquelant peu a peu sa toile par quelques rides arrachées et noircissant ces couleurs comme un cœur asséché .
...Où est passé toute la perspective ?
A la fin elle redeviendra qu un bout de papier trop usé pour servir , et à sa place sur le chevalet une nouvelle toile attendra comme un valet soumit , la trace du crayon de l artiste. Maintenant elle est abandonnée dans une poubelle près du cimetière , sous le regard d’un ciel désolé du triste sort de cet amas de peinture . Comme ses dernières larmes , l’eau de pluie lavra la peinture , emportant avec elle ces couleurs qui autrefois inspiraient tant, comme si c’était son essence qui fuyait .
Colorés, les ruisseaux qui se formeront se retrouveront gracieusement, offrant aux quelques manants traînant dans les parages une véritable fresque de traits. A croire que c’est devant la mort que l œuvre deviendra art. Et même cette vielle mendiante aguerrie par la pluie restera surprise : toutes ces années à vivre dans le deuil et le macabre ne l empêcheront pas de sourire devant la toile .
Et à la fin cette Dame noire lui chuchotera d’une voix tellement reposante :
« Sourions ensemble de ce monde si beau qui semble si faux »