Le bal masqué.

J’étais invité au bal masqué. Moi au bal masqué, l’idée me faisait sourire, le petit carton d’invitation tournait entre mes doigts, mon nom y était inscrit en lettres dorées mais curieusement je n’arrivais pas à le lire. Qu’importe. Il me fallait une tenue élégante, un costume original, il me fallait me déguiser.
Tout à coup je me trouvais à la porte du palais, dehors un ballet de voitures de luxes, un carrosse, oui un carrosse tiré par six chevaux qui s’en retournait déjà. Comment étais-je venu jusqu’ici ? Je n’en avais aucun souvenir. Je montais les marches d’un escalier monumental. De part et d’autre les gens se pressaient sans me bousculer, sans me remarquer.
Un huissier annonçait les invités :
Monsieur le Comte Harrebourg
Madame la Comtesse Khonmange
Sa Majesté l’Emir Ahbel
Madame la princesse Aude vhi
Ils étaient tous parés de leurs plus beaux atours, j’étais ébloui par tant de faste. Mais ils portaient des noms ridicules, que l’huissier annonçait avec le plus grand sérieux.
Je remarquais alors que je ne portais que mon vieux costume élimé.
J’étais dans un film et l’habilleuse m’avait oublié, non, j’étais dans un rêve. Je rêvais et tout s’expliquait, c’était somme toute amusant.
Arriva mon tour, l’huissier attendait patiemment, j’étais le dernier et toute cette foule qui m’avait totalement ignoré jusqu’alors, attendait que l’on m’annonce dans le plus grand silence. J’étais gêné, on devait se moquer de moi, je devinais ou pire, j’imaginais des sourires moqueurs, des messes basses à mon encontre.
 Qui dois-je annoncer, Monsieur ?
Je tendis mon carton d’invitation qu’il me rendit aussitôt. Interflora, merde ! Où était donc ce foutu carton.
 Votre nom Monsieur ?
Hein, quoi ? Je cherchais dans mes poches, pas de carton.
 Votre nom Monsieur ?
Mon nom, bien sûr mon nom ; bizarrement il m’échappait ... Chrisie, oui c’était ça, mon nom, Chrisie.
 Votre prénom, Monsieur ?
Mon prénom... Mon prénom... La tension montait, j’entendais la foule murmurer, s’agiter, j’étais un usurpateur dans ce monde de guignols endimanchés.
Mon prénom... Hyppolyte, oui c’était ça, Hyppolyte, où avais-je été chercher ce nom et ce prénom.
L’huissier hésitait, il marmonnait, il devait flairer un subterfuge, je me sentais de plus en plus mal. Tout à coup avec un grand sourire, l’huissier annonça d’une voix tonitruante :
 Monsieur Hyppo Chrisie.
La tension retomba d’un coup, la foule applaudit.
J’étais des leurs.