Je me souviens d’avoir frissonné en sortant de la gare. Pourquoi ? tout simplement parce qu’un pressentiment était venu se loger dans ma tête encore pleine d’espoir pour faire place à l’obscurité. L’obscurité d’une matière grise quelque peu particulière, l’angoisse si j’ose dire. Oser, oui oser entrer au fin fond de soi pour sentir les choses, les gens. Les gens en effet, puisqu’il s’agissait de Laurent que j’aimais par dessus tout. J’attendais là depuis bientôt deux heures, combien de temps était-il possible d’attendre encore ? une question qui ne devrait pas venir à l’esprit lorsqu’il s’agit d’amour. Pendant tout ce temps, il me semble que mon ombre fut plus pressée de quitter les lieux. Et ce fut elle qui m’arracha de ma torpeur, elle qui se décida à me tirer par la manche pour me persuader de partir. C’est en rentrant chez moi que le scénario se dessina à mes yeux. Le film se déroulait lentement dans ma tête et je compris l’affreuse vérité qui devait à jamais bouleverser ma vie. Je voyais Laurent souriant, tellement gai, si assoiffé de vie et je ne comprenais pas. Je pensais à ce qui allait se passer maintenant, à ce nouveau tournant de ma vie qui allait tout chambouler. Laurent était entré dans ma vie comme un courant d’air en plein été, lorsque le moment est tellement inopportun pour pouvoir le saisir. Au début, notre rencontre fut surtout pleine de froideur, puis elle fit place à de l’adoration ensuite. Serais-je victime d’une roue perpétuelle qui tourne, la froideur remplaçant la froideur ou la haine ? Où était-il ? que faisait-il ? Je réalisais soudainement que la vie ne s’était pas écoulée sans nuage depuis quelque temps. Mais qu’est-ce que le bonheur ? On jongle et l’on se bat pour qu’il réside à tout jamais dans notre vie. Quel bonheur si fou, si transcendant qui avait si joliment bousculé ma vie tranquille d’avant ! Pourtant malgré cet obstacle, que n’aurais-je fait pour endurer et souffrir davantage, pour simplement un sourire, une caresse.Le bonheur entraînant la passion et dans cette gare tout s’est effondré. Laurent, parti, envolé, disparu vers un autre univers, que sais-je ! toujours est-il qu’il n’était plus là.
Plus question de rêver, de s’extasier..., puis lentement un souffle dans la nuit, une voix qui s’affirme peu à peu et c’est l’aube qui pointe son nez. Un oeil, puis deux, et la vision des murs et le plafond d’une pièce familière, ma chambre, notre chambre. Moi dans un lit avec un homme assoupi qui s’agitte doucement. Il demande l’heure, je lui réponds, mais avec une envie de lui demander ce qu’il fait là. Je m’aperçois agréablement que j’ai rêvé, de bonheur, de rupture, d’amour et de passion. C’est à se demander si le bonheur existe....après un tel rêve.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite il va s’enfuir ! F I N