Elle est morte ... assassinée un soir par son client, un pilote australien
Le cauchemar de Darwin
Oui, ton lac va mourir mon pauvre Livingstone,
Et le poisson crever, et avec lui les hommes
Qui vivaient de ses eaux bien avant que soit Rome ...
Tu y cherchais le Nil, miroir des Pharaonnes !
Mais un jour un marchand, dont le nom est maudit,
Jeta dans ce cratère abyssal et fécond
Un monstre cannibale, une perche aux yeux ronds,
Qui écuma les flots jusqu’à tuer toute vie.
Voici que le lac meurt, les pêcheurs vont le suivre ...
Leurs enfants édentés se nourrissaient d’arêtes
Volées aux poubelles sorties des lieux de fête,
Cela même est fini : gageure que de vivre !
Il reste les avions dont le train incessant
Fait trembler les bidons où habitent des ombres ;
Chargés d’armes de mort, ils souillent le tartan,
Puis repartent gavés de poissons en surnombre.
Il reste les putains au regard douloureux,
Où un ailleurs lointain le dispute à l’enfer ;
J’en connais une au moins, au grand sourire amer,
Morte criant sans bruit sous les coups d’un vicieux.
Il reste les gamins, couchés sur les trottoirs,
Où bien sniffant la colle au sombre d’un couloir,
Où encore boitant sur une jambe unique,
Souvenir d’une mine ex-soviétique.
Il reste la douleur, le désespoir lucide,
Le faible qui se couche en appelant la mort,
Les enfants que l’on vend à la loi du plus fort,
La nausée qui me prend de ce monde putride.
Regarde les avions dans la chaleur épaisse,
Entends-tu les dollars qui rentrent dans la caisse ?
Un dollar, une larme ! Un enfant, une femme,
Qui pour survivre nus, dans cet enfer se damnent.
Et le grand lac se meurt, mon pauvre Livingstone,
Cauchemar de Darwin qui tremble dans sa tombe,
Et le mendiant claudique, et la putain s’étonne
De voir sourdre une larme au visage des bombes.
Février 2006
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Synopsis du film de 2004 (sorti officiellement en France en mars 2005 ...)
Les rives du plus grand lac tropical du monde, considéré comme le berceau de l’humanité, sont aujourd’hui le théâtre du pire cauchemar de la mondialisation.
En Tanzanie, dans les années 60, la Perche du Nil, un prédateur vorace, fût introduite dans le lac Victoria à titre d’expérience scientifique. Depuis, pratiquement toutes les populations de poissons indigènes ont été décimées. De cette catastrophe écologique est née une industrie fructueuse, puisque la chair blanche de l’énorme poisson est exportée avec succès dans tout l’hémisphère nord.
Pêcheurs, politiciens, pilotes russes, prostituées, industriels et commissaires européens y sont les acteurs d’un drame qui dépasse les frontières du pays africain.
Dans le ciel, en effet, d’immenses avions-cargos de l’ex union soviétique forment un ballet incessant au dessus du lac, ouvrant ainsi la porte à un tout autre commerce vers le sud : celui des armes.
Mais ne vous y trompez pas : la guerre est une chance, celle de ne pas mourir de faim pour ceux qui seront soldats ...
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