Sur les bords de la rivière, des murs sombres de pierres taillées s’élèvent vers le ciel comme des bras tendus vers les nues vaporeuses. La lune argentée caresse de ses rondeurs les plaies saillantes de la tour carrée dont les créneaux n’ont pas résisté aux assauts du temps, mais qui survit comme une ombre fantomatique et inutile, abandonnée et oubliée de tous. Les araignées ont envahi l’espace et de leurs fines pattes ont tissé d’étranges labyrinthes dont les fils presque invisibles semblent faits de soie veloutée.
La nuit, des silhouettes se glissent le long des parois recouvertes de lichen, chassant les chouettes qui l’ont prise pour demeure et des chuchotements sourds résonnent dans les escaliers abrupts. Une pâle lueur survient alors chassant les formes inquiétantes qui s’évaporent dans une brume évanescente. Elle se faufile arpentant les escaliers sans fin, nuit après nuit, fouillant sans relâche les ruines dévastées. Et puis, viennent les pleurs, sanglots tamisés, rituel immuable de l’obscurité habitée par les rêves.
Lors un chant mélodieux et harmonieux monte de la terre humide et berce l’univers où le temps semble s’être arrêté. La plaine s’illumine de centaines de lumignons opalescents qui s’animent en un ballet gracieux de clins d’œil éclatants. Le vent léger se lève et porte d’un souffle des milliers de perles d’eau vers une brèche du vieux château où se dessinent, éphémères, les contours graciles d’un enfant qui sourit.
On raconte qu’il y a bien longtemps de cela un petit page égara une bague sertie d’émeraudes qu’un chevalier destinait à sa mie et le paya de sa vie. Depuis, traversant les siècles endormis, lorsque la lune est haute dans le ciel il vient chercher ici le bijou disparu. Pour consoler sa peine, la tendre ténébreuse organise pour un sourire de lui la plus fabuleuse fête qui soit.