« Dites moi quel est votre plus grand rêve ? »
Dans la classe, les jeunes visages se creusent, les yeux se promènent, les pensés bondissent. Les enfants cherchent dans leur esprit ce qu’ils désirent le plus au monde. L’enseignante les laisse réfléchir, les contemple en silence.
Les mains commencent à se lever, les étudiants amorcent la discussion. Certains veulent devenir pompiers, d’autres souhaiteraient le jouet dernier cris et plusieurs rêvent d’une vie simple et d’une grande famille. Des rêves d’enfants. Puis, un élève n’a toujours rien dit. Elle le regarde. Ses yeux sont tristes, son regard vague.
« Dis-moi, Alexandre, toi, quel est ton plus grand rêve ? »
L’enfant lève les yeux, mais ne répond pas immédiatement. Il semble perdu, comme s’il prenait à peine conscience de ce qui se passe devant lui.
« Je veux guérir. »
Alexandre est malade. Très malade. Il souffre tellement que parfois, il voudrait rejoindre les anges. Et personne ne peut l’aider. Aucun traitement n’existe.
Chaque soir, il dort dans la crainte de se faire réveiller par une nouvelle douleur, plus vive encore que la précédente. Hier, le petit bambin à cacher un couteau sous son oreiller pour venir à bout de son mal.
Alexandre a quatre ans.
Dans la journée, il est comme tous les enfants. Sauf qu’il est timide, seul. Il se renferme sur lui, souffre dans un silence qui inquiète. Autour de lui, personne ne sait. Parce que personne ne doit savoir. Alexandre en est conscient.
Souvent il rêve de s’enfuir très loin pour que plus jamais son tourment ne le poursuive. Parfois, il prie sur son lit pour que dieu vienne le chercher. Alexandre est impuissant. Son mal est plus fort que lui. Il ne peut rien faire contre sa maladie.
Quelquefois, il n’y a plus aucune douleur qui torture son jeune corps, mais dans sa tête, c’est encore pire.
Ses pensés se bousculent, il rêve de se venger, de soulager son cœur et son corps de leurs supplices. Il s’abandonne parfois à sa rage et projette au mur tout ce qui lui tombe sous la main. Il imagine que son mal est juste devant et il lance de toutes ses forces. Puis il s’effondre, pleur, hurle sa détresse. Et tous les jours, ça recommence.
Bientôt, Alexandre a dix ans. Il souffre toujours autant. Son âme refuse de lâcher prise, refuse de s’envoler. Les gens ignorent encore. Alexandre sait lui. Il connait maintenant un moyen de mettre fin à sa maladie, de mettre en cage le monstre qui le vide de sa vie. Il connait l’unique façon de faire disparaitre son mal, de mettre un terme aux années qu’on lui vole.
À douze ans, Alexandre met son père en prison. Pour toutes les nuits ou il a fait de sa vie le pire des cauchemars, pour tout les mots qui ont fait de ses pensés, la pire des souffrances.
Mais Alexandre n’a pas oublié. Les images sont restées a jamais graver dans sa mémoire et elles surgissent encore souvent, déchirant son cœur, déchirant sa vie.
Encore aujourd’hui, Alexandre est malade. Il guérit lentement, mais retombe souvent. Encore aujourd’hui, le jeune homme rêve tous les jours de rejoindre les anges. Mais aujourd’hui, le plus grand rêve d’Alexandre, c’est d’oublier.