Cela faisait des années que je n’avais pas remis les pieds dans ce lieu, il avait quelque peu changé. Des pots de fleurs gardaient une grande porte vitrée. Je regardais par une des petites vitres. Le hall d’accueil semblait plus grand et plus lumineux, des tableaux qu’aurait pu peindre Dali jetaient un oeil au nouvel arrivant. Me voilà revenue ... Je sonne mais aucune réponse...
La dame de l’accueil, dans sa petite vitrine de verre était en pleine conversation téléphonique et ne m’a pas vue arrivée, toute de blanc vêtue comme une première communiante. Les joues en feu et les mains ballantes car cela fait une dizaine de jours que je cherche à écrire des alexandrins et je n’y arrive pas. Il faut dire aussi que ce n’est pas ma tasse de thé. Mes mots, je les écris à l’envers, je ne compte pas, c’est trop difficile. Croyez moi, j’aime la poésie mais trop impulsive, je préfère les écrire comme ils viennent. A qui peut bien téléphoner cette dame, bien à l’abri de tous les sons de l’extérieur ? A son amoureux peut-être, pour lui demander à qu’elle point, elle lui manque. Elle me paraît bien passionnée, son visage s’anime, elle sourit. Elle est jolie avec sa tresse brune qui descend jusqu’au milieu du dos. Ses yeux en amande et d’un bleu profond semblent m’arracher de ce monde si terne. La bouche aux lèvres bien ourlées s’ouvre et se ferme pour bien respirer le bonheur qui l’habite. Elle est là seule et ne se préoccupe pas de ce qui se passe à l’extérieur et moi j’attends...
J’attends qu’elle daigne m’ouvrir la porte de la vitrine à défaut de son monde, c’est que je veux revenir dans l’auberge du bonheur que j’ai quitté pour des activités aussi vitales que de papoter temps avec mes amis. Je frappe à la porte de plus en plus fort mais toujours rien, elle ne m’entend pas. Je sais c’est interdit de fumer à l’intérieur mais pas à l’extérieur, à ce que je sache. Je prends une cigarette, je l’allume, je la fume et patiente encore dehors, sous ce froid. Cela fait combien de temps que trépigne un pied sur l’autre ? je ne sais pas. Tiens, elle regarde par la vitre, je lui fais un signe, elle m’a enfin vue et m’ouvre. A moi de nouveau le bonheur ...