Un souffle.
Juste un peu de souffle, voilà c’est cela qui me manque, du souffle.
Je n’attends personne
Quand est-ce qu’il vient, quand est ce qu’il vient, faut pas que je parle sinon je vais m’épuiser.
C’est beau les Hautes-Pyrénées le soir, c’est beau mais ...
Je n’aurais jamais dû partir seule.
Ils ont fait exprès ma parole de mettre tous ces cailloux sur le sentier de randonnée, ils l’ont fait exprès.
C’est sûr.
Quel panorama, mais où est-il passé ?
Ca fait combien de temps que je tourne et vire et me retrouve dans les mêmes endroits déjà connus.
Je ne suis qu’une citadine, forcément, il ne m’aime pas avec mes airs pas dégourdis et mes baskets de ville.
Bon, tu arrives ?
Pas parler, par crier, le souffle. Il paraît qu’il faut avancer à pas lents et s’arrêter entre chaque pas, oui, mais bon, ici ce n’est pas le Popocatepetl, hein, il ne faudrait pas exagérer, je suis à combien... je ne sais plus, je me suis perdue et cette fichue carte je ne suis même pas capable de me repérer dessus.
Ca fait combien de temps que je l’attends ? Dix ans au bas mot.
On s’est donné rendez vous en bas des pistes il y a dix ans.
Somptueux. Fichu chemin qui n’en finit pas et la nuit qui tombe, le souffle est plus rapide à cette altitude , forcément surtout quand on n’est pas entraîné, en plus la buée sur mes lunettes me brouille le paysage, il va falloir que je les enlève mais qu’est ce qu’il fiche à se sauver comme ça ?
J’ai tellement attendu ce rendez-vous et il n’y est pas.
Houla, ça glisse là.
Si ça continue il va falloir que je le rejoigne en rampant. Comme si je ne m’étais pas assez faite suer à l’attendre, en plus je vais dégueulasser mon beau treillis tout neuf.
Ne parles pas idiote, tu épuises ton souffle et cette glaise dans laquelle tu patauges, si tu continue de perdre la boussole, tu vas y retourner pour toujours, surtout qu’il fait nuit, punaise je n’y vois presque plus.
Bon, du calme du calme, on se calme.
On s’assied, il n’est plus très loin, forcément.
Dieu a créé la femme et avec ce qui lui restait de pâte à modeler il a créé cette montagne rien que pour me casser les pieds.
Qui l’a prévenu que je l’attendais, qui ?
Pour qu’il me fuie aussi obstinément ?
Qui dans la nuit a fait le tri de ces cailloux pour les poser juste sous mes pas, comme si je n’en avais pas assez soupé dans ma chienne de vie de tous ces chemins de croix, hein, qui ?
On se calme, on chuchote, nouillette. Ca me fait penser que j’ai donné toutes mes provisions de la journée aux marmottes, elles sont mignonnes les marmottes du coin mais un peu goinfres.
Héhooooooooooo...écho.. c’est vrai il ne faut pas crier dans la montagne, je vais provoquer des catastrophes, des éboulements, des trucs sans fin qui vont m’anéantir, c’est pas grave je le suis déjà et à bout de souffle.
J’ai vu sa photo dans un magazine, qu’est ce qu’il est beau. Je suis gonflée tout de même d’aller comme ça à sa rencontre, remarquez, lui ne se déplacera pas, faut pas compter là-dessus.
Mes chaussures sont trempées de bou , ce n’est pas une vraie gène, non, pas une vraie gène, à peine que ça ne me gène pas... j’ai horreur d’avoir les pieds dans la gadoue !
_ Ils auraient pu me le dire que ce sentier était argileux par endroit. Et s’il pleut, mon Dieu, s’il pleut où s’il fait de l’orage.? Pas d’affolement, il fait nuit noire et les étoiles brillent la vie est belle lalalère, tu es perdue et tu attends de le rencontrer enfin, ce sera la première et la dernière fois, une rencontre pareille, dernière fois, faut pas pousser. Arrête de parler ça te fatigue.
J’ai faim. C’est la faute des marmottes.
Dieu créa la femme de colombins de terre glaise et il m’a fabriquée avec les reliquats du fond du seau, c’est sûr et certain pour que je me perde comme ça alors que... je l’attends non d’un chien, pourquoi je pleure comme ça, ça ne change rien, il n’a pas bougé d’un pouce, forcément que je vais le trouver. `S’il y a une justice là-haut ...qu’elle pense à moi les jours où elle se pince.
Des colombins de terre glaise et je ne suis plus qu’un boyau qui hurle.
Ma vieille tu n’avais qu’à ne pas avoir des ambitions pareilles. Et ne pas t’apitoyer sur les marmottes et apprendre à lire une carte avant de partir et ...
Bon pause, j’en ai marre, c’est encombré de sommets partout, mais je ne vois aucune lumière, tant pis, je dors ici... fais pas ça idiote, dans la montagne la température tombe très vite... si je dors ici je te dis, c’est tout j’en ai assez de grimper, je dors, j’en ai assez de l’attendre... fais pas ça avance. AVANCE !!!!!!!!!!!!!
Bon d’accord, crie pas comme ça, j’avance ho, on se calme là dedans, hein, le souffle, surtout le souffle, la vie, le souffle, la vie, qu’est ce que tu radotes ma pauvre fille.
Tiens, c’est de la roche toute nue maintenant, toute nue, je ne dois plus être loin, je l’attends depuis si longtemps ce somm...