Une route de montagne par une belle après-midi de début d’été. Les lacets s’enlacent et s’entrelacent pour nous mener vers le sommet.
Un virage sur la droite, une jolie clairière offre son doux tapis vert pour accueillir notre pique-nique.
Adroitement, doucement, tu pointes le fer à cheval de notre radiateur vers une zone d’ombre offerte par des pins sylvestres remarquables.
Tu descends et viens galamment ouvrir ma portière. Ma bottine se dépose sur l’herbe, ma main se pose dans la tienne et d’un mouvement souple, faisant bruisser la soie beige de ma robe de mousseline, je descends de « la Royale ».
Quelques pas.
Tu sors une valise en osier, une couverture que tu étales à quelques mètres, lissant la laine afin qu’aucun pli ne vienne troubler la quiétude des lieux.
Tu disposes les pièces de vaisselle en porcelaine blanche bordée d’un filet doré, les verres en cristal de Venise, une bouteille de Pétrus 1961. Quelques victuailles délicatement préparés par tes soins pour cette ballade d’un autre temps.
Tu te tournes vers moi, me souris tendrement, me tends la main, m’invitant à m’allonger pour partager ce repas de gourmets.
Un concert de chants d’oiseaux charment nos oreilles, point n’est besoin de mots entre nous, nous nous laissons aller au simple bonheur d’être deux.
Au dessert, tu te lèves, sors ton appareil photo. Je prends une pose alanguie.
Tu te places devant nous : « tes belles », comme tu nous as surnommées.
L’une et l’autre nous te séduisons par nos courbes, nos pleins et nos déliés. Nous ronronnons sous tes mains. Tes yeux caressent l’aluminium habilement travaillé par les fondeurs, comme ils caressent ma peau satinée.
Aucune jalousie dans mon cœur. Ta maîtresse ne me porte pas ombrage. Le temps que tu lui accordes, te garde près de moi. Sa carrosserie brille de mille feux sous les rayons du soleil.
Je te sais heureux et cela n’a pas de prix pour moi.
« Rien n’est trop beau, rien n’est trop cher ", adage d’Ettore Bugatti