Elle court dans sa jolie robe légère ; ses ballerines bleues volent dans le matin. Tiens, pourquoi a-t-elle chaussé des ballerines bleues quand elle porte une robe beige ? Ce n’est pas d’elle, je ne la reconnais pas…Elle a du attraper les premières chaussures qui sont tombées de son placard quand elle l’a ouvert ou alors elle a enfilé la robe qui était devant son nez en ouvrant sa penderie… Je lui demanderai, demain, quand je la verrai.
Ses cheveux ne sont pas attachés. Et son chien, où est-il ? Lui qui la suit partout ou presque comme son ombre ; elle doit aller là où elle ne peut l’emmener.
La lumière est belle, claire, blanche, le ciel est teinté de rose, pas de vent, pas de fleurs, personne, juste l’herbe et quelques cailloux.
Oh ! Elle trébuche ; forcément elle qui ne court jamais… avec des ballerines bleues, en plus ! Elle ralentit, s’arrête, regarde ses ballerines bleues, hésite, se retourne, semble réfléchir : « tiens, j’ai mis mes ballerines bleues ! » Elle sourit et reprend sa course folle.
A-t-elle l’air heureux ? Je n’en sais rien, je ne vois pas bien.
Est-elle pressée ? Sûrement, sinon pourquoi courerait-elle ?
Mais où va-t-elle ? Que fuit-elle ? Son chien ? Ses amours déçues ? Ses peurs ? Ses doutes ? Sa vie ? Mais non ! Suis-je bête ! Elle court retrouver son amant qui arrêtera sa course folle.
Non ! Non ! Que fait-elle ? Elle saute dans le vide, du haut de cette maudite falaise. Ne l’appelle t-on pas « la falaise bleue » ?
Je sais maintenant vers quoi elle courait à perdre haleine, déterminée mais sereine et libre.
Je n’aurai pas besoin de lui demander : « Pourquoi les ballerines bleues ? » Je sais.