Il m’a regardé. Que deviendrais-je s’il me choisi ? Que deviendrais-je s’il ne me choisi pas ? Mon esprit s’égare. Il s’approche de moi. J’ose un regard vers ses yeux, ils sont bleus, bleu comme le ciel. Mais eux ils vivent, ils sont là, devant moi, me regardant, me dévisagent, avec cette avidité que j’ais souvent rencontré chez les hommes que je servais dans le bar ou je travaillais. Il me fixe, je tressaille, il le remarque, m’accorde un léger sourire et donne ce qui semble être un ordre à l’homme resté près de la porte.
On m’emmène, comme plusieurs autre fille déjà, de l’autre coté du couloir. J’arrive dans ce qui semble être un petit halle aux fenêtres à barreaux. Les hommes devant nous gardent le regard fixe et font comme ci nous n’existions pas. Mais lorsque l’une de nous essaie juste de mettre un genou sur le sol, là, ils se mettent à hurler et, malgré nos supplications, nous rejettent comme si nous n’étions rien. Rien que de la vermine. Ils ne veulent pas nous approcher m’a-t-on dit, car pour eux, nous sommes comme une sorte de maladie. Ils ont peur de nous. On m’a dit, aussi, que c’était pour cela qu’ils cherchaient tous a nous voir morts. Comment croire cela possible ?
Il y a à peine deux jours, j’étais encore chez moi et tout semblés tellement normal. La guerre ? nous en avions entendu parlé, mais elle paraissait si lointaine. Comment nous serions nous doutés que ces jeunes soldats souriants et aux abords si courtois étaient en faite là pour arracher à leurs familles la plupart des jeunes filles du village ? J’ais eu de la chance, je crois. Certaine d’entre nous n’ont pas quitté le village. Elles ne le quitteront d’ailleurs jamais plus. Elles seront toujours là, les fantômes de cette atroce journée, la tête vers le ciel, elles contemplent le visage de la nuit noir. Leurs corps inertes, sous la terre fraîche et humide. Elles prieront pour nous. Nous qui ne savons pas encore ce qui nous attends.
Nous patientons dans cette salle, exténuées par le voyage, hébétées par notre récentes course et encore sous le choc de ce que l’ont vient de vivre. Il me faut garder espoir, je lui doit. Un bruit de fusil retentit. Tout autour ça cris, ça pleurs. Moi, je suis là, je ne bouges pas. C’est comme si je regardais la scène mais d’ailleurs, comme si j’étais détachée de toute leurs angoisses et de toute leur haine. Apres avoir pensée a lui, mon âme était restée la bas , dans ses bras. Je me sentais plus forte, je savais qu’il ferait tout pour me sortir de là. Je sais qu’il n’est pas mort, qu’ils ne me l’ont pas tués, qu’il viendra me chercher. En tout cas, je m’en persuade. Ce dont je me souviens après ça, c’est que je respirais très mal, ensuite, plus rien.
Je sens un souffle sur ma nuque, j’ais encore du mal à respirer. J’essais d’ouvrir les yeux, tous me paraient flou, tournent et se déforment. Mes membres sont lourds. J’ais la gorge sèche. Au bout de quelques minutes, je retrouve un peu mes esprits. Le souffle régulier près de moi est celui d’un homme. Il n’est pas laid. Je me rends alors compte de ma nudité. Je regardes autour de moi, à la recherche de mes vêtements, mais ne les trouves pas.
Je me trouves dans une vaste chambre. Il y a trois grandes fenêtres aux rideaux de velours rouge d’ou s’insinuent de la lumière. Peut être est ce la clarté de la lune ou simplement l’éclat d’un réverbère. J’ais mal, je me sens sale, perdue. J’ais toujours du mal à respirer. L’homme se retourne. Je me lève. Je ne sais ou je suis, ce que j’ais fait. Je ne me souviens pas avoir quitté la salle blanche. Ou sont les autres femmes ? J’aimerais que l’homme se réveille , non, je voudrais qu’il ne se réveille jamais ! Je ne sais plus, je tremble, des sueurs froides parcours mon corps et glace mon sang. Ma tête me brûle, j’ais des vertiges. Je me recouche alors, à bout de force, comme après une longue course. Des larmes commencent à perlaient le long de mes joues. Elles coulent et je ne cherche pas à les calmer et doucement je sombre...
J’ais du me rendormir car lorsque j’ouvre les yeux, les rideaux sont tirés et cette fois c’est la lumière du soleil qui m’a sorti de mon sommeil. Le bruit des pas : vas et viens incessants dans la chambre, me rappellent à la vigilance. Je ne sais que faire, quel comportement adoptée. Il est là, devant un grand miroir, en habits d’officier. Il a une certaine prestance, une certaine allure, quoiqu’un peu hautaine. Il s’approche de moi. A t il remarqué que je le dévisageais ? Il me regarde, je m’assoies sur le lit en pressant contre moi la couverture de mes deux mains crispées. Cet homme m’impressionne. Il me parle mais je ne comprends pas ce qu’il dit. Il me montre alors de la main une porte que je n’avais pas vu : c’est une petite salle d’eau. L’homme y entre et en rapporte des vêtements. Ce ne sont pas les miens. Dans une sorte de sourire moqueur, il me quitte.
A voir mon visage dans la glace, j’ais l’impression que c’est une autre qui se regarde. Elle, elle est de l’autre coté du miroir, c’est elle qui vit. Elle me fait peur cette ombre. Pourquoi me dévisage-t-elle ? j’ais froid. Je prends les vêtements que l’homme m’a donné et me rend compte de leurs étrangetés. Ils semblent une sorte de pyjama aux rayures blanches et bleues. Encore ce bleu : les yeux de l’homme, le ciel, ces vêtements, je défaille. J’aimerais sortir, respirer l’air matinal comme je le faisais il y a à peine trois jours maintenant. Je voudrais t’entendre me dire de mettre quelque chose sur mon dos. D’ailleurs c’est ce que je vais faire. je me regarde a nouveau dans le miroir. Mon image, ce reflet, il me fige. Je ne sais combien de temps je suis restée ainsi mais lorsque la porte c’est ouverte j’ais sursauté.
Un médecin et deux soldats entrent, ils restent à me regarder sur le pas de la porte. Je baisse les yeux, je ne sais pourquoi, c’est comme s’il faisait de moi, rien que par leurs regards froid, une petite chose fragile, un soupir. C’est comme si le simple souffle, le moindre mot de leurs part, pouvait me briser. En face de ces hommes je n’étais plus qu’un jeune animal apeurée.
J’entends toutes les portes claquées et encore des cris. Ils me poussent hors de la chambre et je me retrouves au milieu d’un couloir en balcon avec beaucoup d’autres femmes. Il me semble que certaines d’entre elles étaient avec moi la veille dans le halle mais je n’en suis pas sure, d’ailleurs, je ne suis plus sure de rien.
Les soldats nous alignent le long de la rambarde. Je regarde par dessus et vois qu’elle donne sur une immense entrée au sol de marbre blanc. Je suis dans un hôtel. Un drapeau et accroché juste au dessous de moi. C’est celui de l’ennemi, comme m’a dit le jeune femme à cotée de moi. Pour avoir parlé, elle reçoit un magistral revers de main en plein visage. La femme reste humble, droite. Elle ne dit rien mais ses mains le long de son corps trahissent sa colère. Un bruit sourd me sort de ma contemplation. Je tourne la tête en direction du bruit et vois une jeune fille allongée par terre. Un homme et en train de la ruer de coups. Elle ne porte pas ces affreux vêtements que nous avons toutes. Elle est habillée dans une robe de soie rouge. Lorsqu’il la relève enfin, c’est pour la rejeter violemment dans une des chambres. La porte de celle ci est refermée par l’homme qui entre derrière elle. On peut entendre une sorte de lutte sourde, des objets tombent, se brisent, un coup de feu retenti, puis, plus rien. Dans le couloir, plusieurs femmes s’évanouissent, elles sont immédiatement relevées par les cheveux. Pour faire cesser cette effervescence, qui c’est installée parmi nous, un des officiés sort son arme et tire juste au dessus de nos têtes. Désormais, le seul bruit que l’ont entends est celui des pleurs étouffés. Plus personne ne bougent. J’ais honte, terriblement honte d’avoir laissé faire ça. Je voudrais ne plus y penser.
Dans l’entrée, un majestueux lustre laisse se refléter sur le mur en face de moi, des cristaux de lumière. Cela me rappelle nos après midi au bord du lac. L’eau de la rivière, à coté de laquelle nous allions nous allongés, laissés se refléter, pareils aux cristaux, des éclats de lumière sur les roseaux.
Ils avancent lentement, nous regardent toutes encore et encore. Que cherchent-ils à la fin ? Il se pose devant moi et m’attrape par les cheveux en hurlant. Non, je ne peux me résoudre à me laissé faire, tant pis pour les coups que je recevrais en échange ! j’enfonce mais ongles dans cet hideux visage. L’homme semble comme fou. Il attrape mes poignets avec rage et tout en me secouant, me crache des mots que je ne comprends pas. Je craches moi aussi, mais pas des mots. Extrême violence, il m’attrape un bras, une jambe, je ne touche plus le sol. Apres le plafond, c’est le drapeau que je vois, plus près, toujours plus près de moi. Je m’agrippes à lui et glisse, glisse doucement.
Alors voilà, c’est comme ça que je fini. Je n’aurais plus à avoir peur, je sais ce qui m’attend. Bientôt, quand mon corps échouera sur le sol, le marbre blanc prendra une couleur rouge et le bleu du pyjama, ce bleu qui depuis trois jours me tourne la tête, ce bleu, j’irais bientôt le rejoindre.