Liminaire :
A me relire, je pense que j’aurais pu ou du placer ce texte dans la catégorie "à la manière de...". Il y a certainement pas mal de références à certains textes de M.A. Guillaume et de S.Fontanel que j’ai lus et relus, trop peut-être. Elles ont une manière très intelligente et très personnelle de parler d’amour... et pourtant leurs mots résonnent tellement en moi et me ’guident’ souvent.
Préambule :
Ma porte est entrouverte, avancez un nez curieux si vous le souhaitez, ici ni voyeurisme ni exhibitionnisme. Lorsque l’envie me prend de parler des "choses de la vie", j’écris plus volontiers des lettres que des textes. Ces "lettres à Loulou" sont en définitive ‘anonymes’, destinées à toutes (tous) les Loulous du monde, à toutes ces belles personnes que nous rencontrons, vous et moi, trop rarement, et avec qui la complicité est instantanée.
Ce qui suit n’est pas une histoire au sens traditionnel du mot, ce sont quelques réflexions sur l’amour, échangées de bon cœur et sans raison, ni intention particulière... Je n’apporte pas de réponses, je propose un regard strictement personnel sur un débat universel et infini.
Loulou,
Regardes, je suis là, assis au bord de toi, timide et n’osant rien faire, hésitant ou -mieux- dodelinant entre la crainte d’être importun et le plaisir non simulé de partager avec toi nos confidences sans oreillers et pourtant si intimes... Et voici que je me retrouve une fois encore, devant ta porte, les idées mélangées, les sens dessous / dessus...
Loulou, je t’ai croisé à un drôle de moment de ma vie, puis je t’ai revu dans des circonstances plus ou moins amusantes mais toujours avec grand plaisir. En définitive je ne te connais pas malgré cette impression de ‘déjà-vu’, malgré ces sentiments que je me refuse à museler, que j’ai certes déjà ressentis dans d’autres vies, mais rarement à cette profondeur.
Je te le confesse, je croyais mon cas désespéré, ne pensant plus possible de rencontrer une personne capable de m’accepter avec toutes mes contradictions et mes doutes.
Je sais ce que tu vas dire, je vous entends d’ici Mademoiselle Loulou, je vois la surprise/réprobation barrant votre front et je vous donne raison : il doit être fou celui qui dit à une inconnue, aussi ravissante et émouvante soit-elle, "je t’aime".
La morale et l’éducation, tu comprends.
Et puis que veulent encore dire ces mots galvaudés, comme humiliés et déchus, bradés par des bonimenteurs qui ne les méritent pas ou qui ne respectent pas leur intensité. Des mots qu’ils disent trop souvent distraitement, incapables qu’ils sont de ressentir leur dimension bouleversante, palpitante et fragile.
Ce sont des mots à utiliser avec parcimonie, vois-tu, prudemment. Des mots qu’on ne ’doit’ pas dire, ils s’imposent d’eux même dans une confidence murmurée, un souffle, un soupir...
Loulou, j’ai bien du mal à exprimer ces émotions nées de ton visage, de tes gestes mesurés, de l’immense tendresse que tu tentes maladroitement de dissimuler derrière ce sourire perpétuel affiché comme un masque
...pour protéger qui ? ...pour protéger quoi ?
De plus, de quel droit me permettrais-je..?
Mais dans le même temps pourquoi se taire alors que la vie est si courte et tellement impersonnelle, alors qu’elle m’ennuie tant ?!
Vois-tu Loulou, j’ai tout perdu le jour où, enfant, j’ai découvert le caractère inéluctable de la mort...
depuis je me dis que je n’ai plus rien à perdre...
Et comme je l’ai déjà dis ailleurs (lettre aux Moldus), puisque la fin est inexorable, prédéterminée (préméditée par qui ?)... j’aspire à l’imprévisible, c’est une ligne de conduite ou ‘de vie’... ...et quoi de plus prometteur qu’une rencontre ?
Et puis, ben oui, j’enquiquine les professeurs de morale...
Pourquoi ne m’accorderais-je pas le droit qu’on nous refuse de dire aux gens que j’aime (amis compris) "comme je suis content de te voir, de te parler, de te regarder sans rien dire, de partager ces moments précieux et fragiles de complicité qu’il importe tant de protéger"
Je méprise farouchement le rideau écorné de la morale et les regards réprobateurs qui s’y camouflent si ‘courageusement’..! (Ne rigolez pas ! Je vous ai également en ligne de mire, vous qui vous cachez derrière les ‘judas’ et autres meurtrières des ‘jalousies’ mi-closes !)
Que c’est difficile à exprimer tout cela...
Parler ? Quelle audace !
Ecrire ? Eventuellement...
...des pattes de mouches, alors, comme un murmure, une écriture tremblée comme un premier baiser et ronde comme une caresse goulue.
Bien sûr d’autres te les ont dit ces mots, mais je n’hésite pas à te les répéter parce que, vois-tu, ces mots là... ben moi... Je ne les ai jamais dits à personne...
ou alors ça remonte à si loin,
et puis c’était ailleurs...
et puis, c’était pas vous...
...il y a si longtemps...
...demain peut-être ?
A ce stade, Loulou, il faut préciser qu’il ne s’agit que de mots, qu’il serait dangereux de les prendre à la lettre et de me prêter des intentions que je n’ai certainement pas.
Aucune crainte, Loulou, je joue avec eux pour le plaisir d’évoquer les couleurs et le rythme du tam-tam, tu ne trouveras ici aucune tentative malhabile (et mal venue, nous sommes également d’accord sur ce point) de séduction.
Mais avoues, c’est difficile à expliquer, cette connivence-spontanée, cette entente-muette, qui s’impose là.. cette amitié naissante à la fois farouche et puissante.
Elle est là, y a rien à dire, rien à comprendre,
elle est là, c’est tout.
Très bien comme cela d’ailleurs.
Inhabituel et surprenant,
rien d’alarmant,
mais quand même...
J’entends le Moldu derrière moi : "arrêtes ton clavier, Fred, tu dragues là, c’est évident..!"
Même pas, pauvre "cœur-fort" ! Je crois moi que quand on écrit à quelqu’un qu’on aime, ou même plus simplement des choses anodines, on écrit sur soi... ...ou alors c’est que j’ai rien compris...
Loulou, il y a toujours eu en littérature un fossé entre le mot et l’acte, ne cherches ici aucune tentative de le combler. Ma démarche se résume à vouloir mettre en mots cette force nouvelle née de ce "télescopage empathique"...
Et puis, rassures-toi, je suis moins compliqué qu’il n’y paraît et je vais lever un coin du voile :
Il m’arrive souvent, sous mon masque de clown, de vouloir me foutre en l’air parce que je suis souvent plus instinctif que spéculateur ou plus farouchement insolent et vivant que fataliste ou cynique. Tu dois comprendre... entre l’humour derrière lequel je me protège et le trop-plein de voyance dont sont fait mes rêves, entre l’ironie et la beauté toute relative de la vie, je crois que seule la tendresse vaut la vie
Le reste..., hein ?
Alors voilà, faut que tu saches qu’aussi surprenant que cela puisse paraître, lorsque je dit "je t’aime" à une femme, je n’attends rien en retour. Je cherche simplement à partager mon sentiment, rien de plus, je ne réclame aucune ‘réciprocité’. Entrer dans mon monde demande qu’on accepte que je ne sois qu’émotion et que je puisse les exprimer, pour le reste, je n’attends aucun ‘écho’.
Difficile à comprendre, non ? Tant d’incompréhension autour de ces mots...
Tiens, par exemple, une nuit, je me suis retrouvé avec quelques collègues sur une plage de la langue de Barbarie à quelques kilomètres de Saint Louis, perdus au milieu des étoiles.. plus précisément : baignés, littéralement, entre les lumières du ciel et l’éclat phosphorescent du plancton marin (magique ça..!).
Nous avions monté une tente maure et attendions le retour d’un ami coopérant-médecin et de son chauffeur mauritanien en préparant un feu. Perdus dans la nuit noire malgré le scintillement ambiant, sachant que pour qu’ils nous retrouvent, il fallait nourrir le feu pour qu’il ‘éclabousse’ sa lumière au plus haut.
Nous étions là, avec les enfants de mon ami, à regarder les escarbilles rejoindre les étoiles mélangées au plancton. (re-magique, ça..!)
Quelqu’un dit : "pour être vu, faut que ça brille" et il rajoute d’un ton ’inspiré’ (insupportable, déjà) "c’est comme l’amour... faut rayonner...". Je sais, j’aurais du le laisser à ses croyances, à son ignorance, mais je n’ai pu m’empêcher de rectifier en précisant qu’en amour c’est l’inverse, ..c’est ce que tu regardes qui brille...
Il a cherché à argumenter, bien sûr, difficile pour un ‘vrai-mec’ d’avouer qu’on peut se tromper, même en pleine nuit, même sur la langue de barbarie...
Mais bon, j’ai pas insisté, je n’ai pas le machisme assez teigneux que pour rester cohérent plus de 2 minutes... et puis il y avait la petite fille de mon ami (8 ans), qui me souriait gentiment, le regard complice... ...elle en est déjà tellement convaincue.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’aime pas pour que l’on m’aime, j’aime pour que la personne que j’aime, se sente bien, se sente mieux, pour qu’elle s’apprécie, elle, plus encore !
Tu peux concevoir ça, toi ? Je l’aime pour qu’elle n’aie plus peur de ses silences et qu’elle en accepte au contraire toute la magie...
Il s’agit peut-être d’un mécanisme de défense (certains Moldus se plaisent à me le répéter) : quand il n’y a aucune attente d’être aimé en retour, il n’y a aucun risque pour personne...
Mais en même temps, je ne comprends pas cette obstination qu’ils ont à m’empêcher de rêver et d’exprimer mes sentiments... ces sentiments qui ne font de tort à personne, et qui sont pour moi les seuls signes tangibles que j’ai d’exister...
Je crois sincèrement que seuls mes rêves me permettent de rester ‘éveillé’... = attentif et ouvert à l’imprévisible... au monde...
En définitive... quelle drôle d’idée de vouloir à tout prix la réciprocité... Est-ce par crainte de la solitude ? Ou, pire, d’être confrontés à leurs propres émotions ? Ou à un éventuel refus ? Ne se déclarer qu’à coup sûr, ne pas prendre le risque de se ramasser un "non" trop insupportable pour l’ego ?
Pour moi, croire que l’amour (en tant que "sentiment") doit être impérativement partagé est un leurre. Bien entendu c’est meilleur à deux, mais je prétends moi que l’on peut également accéder à la plénitude de ce sentiment en étant seul. (je ferai un texte là dessus, cela mérite, je crois des explications complémentaires *)
Si l’on n’aimait que les gens qui nous aiment, qui s’y colle en premier ? Vous imaginez la scène : deux être pétrifiés, qui se regardent immobiles et muets, à se demander qui fera le premier pas, qui reviendra à la vie pour l’insuffler à l’autre dans un premier bouche à bouche ? (héroïque ça, le premier baiser, le courage inouï qu’il faut pour l’oser...)
Quelqu’un de bien intentionné dit : "dommage quand même que cela ne soit pas un tout petit peu partagé"
"dommage, toi-même, toi qui a les pieds cimentés dans la réalité... Ici je parle "d’amour", pas de couple et encore moins de "cru" et je cherche à distinguer le ‘beau’ du ‘superflu’, à "m’élever", je cherche le "sublime" du sentiment, son "éther", si tu voix ce que je veux dire. (* même remarque que précédemment, faudra que je développe dans la troisième lettre)
Pourtant...je t’écris :
"Chère amie, tant de chose à vous murmurer ce soir, comme un désir voluptueux et grave de tout vous dire à la fois sans déguiser mes mots, quitte à rectifier après, les joues un peu rouges... ’ce ne sont que des mots, rien que des mots..’"
...à n’y rien comprendre...
"Chère Amie,..." et me faire plaisir parce que l’autre soir...
"Chère amie,..." parce que tout (mais qu’est-ce que tout ?)...
"Chère amie,..." sans trop savoir à qui je m’adresse, me jeter à l’eau après de longues hésitations, parce que j’ai bien aimé, mais oui, ta lucidité, le voyage qui est en toi, la passion que tu tentes maladroitement de dissimuler sous le vernis "convenu", et puis... et puis... l’immensité de la tendresse qui se cache dans ton regard...
Pour moi ce sont toutes les surprises que tu me réserves, Loulou.
Pour moi, parce que je ne sais pas, après tout, ce que tu veux faire ou donner...
Tu vois, Loulou, je t’apprécie pour ce que je crois que tu es et si tu n’es pas telle que je l’entre-devine, tant mieux, je t’apprécie plus encore.
Saches que je respecterai toujours tes craintes, les blessures qui te viennent de cette enfance passée avec une mère douce jusqu’à l’effacement et un père qui confond éducation et ‘correction’, je respecte profondément tes espoirs et tes rêves, la détermination que tu montres de préserver l’intrépidité de l’enfant qui se cache en toi, je te respecte toi et la tendresse que l’on perçoit infinie... que l’on sent parfois négligée...
Je respecte tout cela parce que c’est plus profondément toi que ce que tu montres, surtout lorsque tu mets, toi aussi, un nez rouge pour amuser le public.
Je ne critique pas le fait de jouer au clown, c’est ma manière préférée de me protéger, mais je veux que tu saches que je ne suis pas dupe et que je fais la différence entre l’image décalée et la richesse que tu ne parviens pas à masquer et qui se dégage immanquablement de toi.
Mais je ne veux pas aller plus loin dans cette voie, trop hasardeux,
je ne veux pas savoir ce qu’aimer représente pour toi et aussi comme danger.
Loulou, faut que tu saches,
ces derniers temps j’ai des larmes qui me montent un peu vite aux yeux...
"Pour-qui-pour-quoi" me demanderas-tu, curieuse amie-à-moi.
A cause de la générosité et de la tendresse...
" ???? silenceras-tu avec tes zyeux zinterrogateurs.."
Depuis que je les ai redécouvertes et que tu m’en fais chaque jour cadeau...
"On" (je déteste cette forme anonyme, je la trouve sournoise et dangereuse)
"on" dit que ce qui ne tue pas renforce... Une seule chose est certaine : ce qui ne tue pas postpose l’échéance...! (cynique, non ? lol)...
Alors oui, j’ai décidé une fois pour toute (qu’on se le dise !) de profiter de ces moments de répits offerts pour apprendre, découvrir et ...rencontrer, échanger, partager, j’aime ce que la vie nous réserve, en bien comme en mal, et puis j’aime les gens, en général, enfin presque, pas tous les jours et pas tous, pas les moldus qui n’osent rien et se calfeutrent derrières les convenances et la morale...
Et quand "j’aime", je le dis..
Il y a des noms gravés sur les bancs de square,
je voudrais bien être inscrit quelque part.
C’est peut-être de là que me vient cette frénésie d’aimer tout ce qui me touche ?
En fin de compte je crois que je devrais me voter une grève de six mois pendant laquelle je ne toucherai plus à l’ombre d’une bipède, surtout si elle a l’air gentille et émue.
Ne plus sortir, faire des enfants et des confitures, accepter, tant pis, la grisaille, entrer dans le domaine de la grande équivalence, de la transparence plénière, ne plus exister.
Ne plus exister est excessif... et sans doute inacceptable... alors à la vie, je préfère les raisons de vivre et Dieu sait si la raison m’emmerde !
Rassures-toi, Loulou,
Je vais essayer, je te le promets,
Je vais essayer de me redessiner au couteau une ligne de vie plus belle, plus profonde...
Loulou,
n’accordes pas trop d’importance à tout ceci,
ce ne sont que des mots.
Les mots d’un enfant que le temps n’a pu taire,
un enfant qui bouscule ma mémoire et qui voudrait tout te dire à la fois, sans ponctuation, sans ambition particulière...
Des mots d’enfant,
des mots ronds-dans-l’eau :
en surface, vaguelettes,
au fond, rien...
ou presque...
P.S. : peut-on aimer sans retour ?
Malgré le cliché que l’amour sans écho est la pire des calamités (après le sida, le palud, les tsunamis, GW Bush et les ratons laveurs, évidemment).
La question reste entière et je vais ‘affûter’ mon argumentation.
À suivre donc...