Un petit garçon regarde à la fenêtre pour la énième fois.
Dis m’man, tu crois qu’il va venir tonton ?
Il l’a promis, il va venir ... vas donc jouer un peu avec tes frères.
Mais il est déjà 10 heures...( après un petit temps d’hésitation) Et s’il ne venait pas ?
Il va venir, ne t’en fais pas.
S’il ne venait pas, il a raison qu’allais je faire ? Non, il va venir, il m’a promis mais il est plus de dix heures et rien... L’angoisse me serre la gorge de plus en plus. Il faut qu’il s’amène sinon tout est fichu. J’ai tellement eu du mal à prendre la décision, préparer mes paquets, trouver un hébergement, loin de mon domicile afin que personne ne vienne nous ennuyer.
Pendant ce temps cela gronde dans les pays de l’est, la Pologne se détache de l’union soviétique mais je n’ai pas la tête à cela... J’attends mon frère et il ne vient pas... Que peut-il bien faire ?... Qui vais-je prier pour qu’enfin il aparaisse ? Aucuns saints à l’horizon, ils m’ont tous laissé tomber comme mon frère d’ailleurs.
Maman ?
Oui,
Il est onze heures.
Je sais qu’il est onze heures mais je t’ai dit d’aller jouer.
Je ne peux pas, j’attends Tonton.
Il a peut-être eu du retard, tu sais, il vient de loin... Les routes doivent être embouteillées.
Tu crois ?
Mais oui, va laisse la fenêtre et regarde une dernière fois si tu n’oublies rien.
Bien m’man, j’y vais.
Je regarde encore mes cartons et vérifie dans chaque pièce moi aussi, essayant de ne pas m’affoler. L’Allemagne de l’Est et la tchécoslovaquie demandent aussi leur sortie. Mon Dieu, pourvu que les chars ne reviennent pas à Pragues... Penser à autre chose pour ne pas paniquer... si jamais mon mari revenait à l’improviste. Que lui dirais-je ? Que je pars ? Il le sait seulement je ne lui ai pas dit quand ni comment. Serais-je capable de passer devant lui avec mes bagages froide et déterminée. Sûrement pas et pourtant, il m’a tant fait souffrir à travers ses enfants...
M’man, Il y a un camion , M’man, vite ... tonton est là, il va nous amener loin de papa. Je vais t’aider, je suis un homme maintenant...
Oui mon fils, tu es mon petit homme.
Une heure après nous étions sur la route et en Allemagne on cassait le mur de la honte. Nous étions libres... enfin... C’était en 1989