Elle n’avait pas grand chose pour elle Lili la Joie. Elle était petite et pas vraiment belle avec cette vilaine cicatrice qui lui tirait la bouche sur le côté. Cette balafre c’était son père qui lui avait fait un jour, lorsque petite-fille, elle avait gardé l’argent du vin pour s’acheter des bonbons. Il avait cogné si fort que lorsqu’elle était tombée sur l’angle de la table, sa joue était restée accrochée. Depuis on l’appelait ainsi : Lili la joie !
Elle n’avait jamais connu d’homme, ni de femme d’ailleurs et elle s’en moquait bien ! Non, elle, ce qu’elle aimait c’était les animaux.
Dans la vieille gare désaffectée où elle vivait, ses compagnons s’appelaient Hector, Louis, Suzette, et Carmagnole à cause de son habitude de tourner en rond qui lui faisait penser à une danse. Quatre beaux rats qu’elle nourrissait au gré de ses faibles moyens.
C’est dans la nuit qu’elle entendit ce curieux bruit comme des battements sourds.
-Tang, tang !
Elle se leva et découvrit sur le quai de la vieille gare un superbe train. L’employé du rail lui prit doucement la main et l’accompagna jusqu’au compartiment. En passant dans les nuages de vapeur, elle aperçut son visage dans les vitres du wagon. Elle était belle, grande et belle dans une élégante robe blanche qui s’envolait à chaque jet de fumée blanche.
Jamais, elle ne s’était sentie aussi bien, aussi belle.
Le convoi s’ébranla doucement et lorsque la locomotive disparut dans le tunnel, Carmagnole dansait sur son corps dévoré !