Elodie et Lydia ont tout juste 14 ans d’écart.
Petite fille aux grands yeux naïfs, Elodie a soigneusement caché à ses parents son ventre qui de jour en jour s’arrondissait de plus en plus. Elle avait si peur de les décevoir, elle avait tellement honte d’avoir cédé à ce garçon qu’elle n’aimait même pas et qui s’était bien moqué d’elle lorsqu’elle avait pleuré. Une fois, une seule fois et voilà ! Rien qu’une douleur vive qui avait chassé de son corps la candeur et l’innocence qui faisaient d’elle une enfant comme les autres.
Elle sentait cette petite vie qui poussait en elle, mais malgré sa détresse, elle ne lui en voulait pas. Parfois le soir quand elle se retrouvait seule dans sa chambre, elle lui parlait doucement, lui confiant ses secrets, sa peur et son angoisse. Mais un jour, à l’école, elle a eu un malaise, presque rien, juste un peu de fatigue et là sa vie a basculé.
Lorsque ses parents ont su, il était trop tard. Sa mère a pleuré pendant que son père hurlait comme d’habitude. Elle a eu droit à tous les qualificatifs possibles et imaginables et la conversation s’est terminée dans la rue, sa petite valise rose à la main.
Elle a vécu de foyer en foyer jusqu’au jour où Lydia est arrivée. Lydia et son sourire, ses petites mains dodues et ses grands yeux bleus. Lydia qui a permis à la trop jeune maman d’oublier sa peur et les mois difficiles qu’elle venait de passer. Alors, pleine de courage, elle a décidé de lutter non plus pour elle seule mais pour son petit rayon de soleil, son petit ange.
La vie est parfois si sévère et tout s’est enchaîné : les petits boulots pour manger et se loger, et puis les passes occasionnelles qui maintenant n’ont plus rien d’occasionnel. Car personne ne veut engager une fille de 20 ans sans formation et de plus flanquée d’une gamine de 6 ans.
Alors, aujourd’hui, comme tous les jours Elodie reçoit ses clients de 2 à 5, seulement aujourd’hui c’est mercredi, alors elle a laissé Lydia dans le parc en face de l’appartement au milieu d’autres enfants et de mamans. Comme ça elle peut jeter un coup d’œil de temps en temps par la fenêtre et se rassurer.
Mais elle n’a pas vu ce monsieur qui a offert des bonbons à la petite qui l’a suivi dans la grosse voiture noire.
Lorsque son dernier client est parti, en regardant par la vitre, elle n’a vu qu’un parc désert où une balançoire continuait de s’agiter dans un grincement sinistre.