J’ouvre les yeux. L’aube montre ses premières lueurs à travers l’interstice des volets de bois. Je remonte la couette jusque sous mon menton. Il fait frais ce matin.
L’été est terminé depuis deux mois, l’arrière saison touche à sa fin.
Mon regard effleure le radioréveil. Allons, courage, il est l’heure. Oui, mais l’heure de quoi ? J’évite de me le demander.
Je sors le bras droit de la douce chaleur et attrape ma robe de chambre. Rapidement, tout en me levant, je l’enfile. Mes pieds se faufilent dans mes pantoufles. Les double-rideaux glissent sur la tringle tirés par ma main. Je tourne la poignée, l’air humide pénètre. J’ouvre en grand le lit.
Elle est là.
Elle a dormi à mes côtés, fidèle amie qui ne me quitte guère.
J’ai fait sa connaissance très jeune. J’étais fille unique, elle aussi. Nous avions le même âge.
Entre elle et moi, pas besoin de parole, de mots. Nous nous comprenions d’un regard. Nous partagions tout. Nos joies, nos peines, la musique de nos jours et les silences de nos nuits.
Jamais en désaccord, jamais une colère, une bouderie. Nous lisions les mêmes livres, écoutions les mêmes musiques.
Main dans la main, nous nous baladions à travers bois, cheminions sur les sentiers le long du fleuve.
Harmonie merveilleuse.
Lorsque je me suis mariée, nous nous sommes séparées pendant plusieurs années. Puis, nous nous sommes revues.
D’abord, une heure de temps en temps, puis de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. Jusqu’à ce qu’après mon divorce, à nouveau, nous nous sommes retrouvées pour ne plus nous quitter.
Toujours présente ensuite dans ma vie, elle a accueillie mon nouveau mariage avec le sourire. Elle est restée présente, mais dans l’ombre comme une amie sincère qui veille. Elle s’est éloignée quelques temps, lorsque j’ai rencontré d’autres amis.
Elle était heureuse de me voir sourire devant mon écran, rire des blagues que nous nous faisions. Cette ouverture vers les autres me permettait de laisser libre cours à mon imagination. Les mots coulaient sans fin dans mes veines.
Et puis, malheureusement, les mensonges, les trahisons, les promesses non tenues, ont été autant de cadenas pour les portes de mon cœur.
Elle m’a dit de résister, de continuer, de ne pas abandonner. Mes fantaisies étaient appréciées non seulement en France, mais aussi de plus en plus dans le monde entier.
Je l’ai écoutée, mais ce ne fut que pour subir encore. Alors, il ne m’a plus restée qu’une seule alternative.
J’ai fermé mon cœur à l’amitié, ranger ma plume et à nouveau je n’ai plus qu’elle.
Ma meilleure amie, la solitude.
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