Eh bien dites donc, je ne suis pas prête d’arriver à mon rendez vous. Je suis partie depuis une heure, je suis coincée dans les embouteillages depuis trois quart d’heure, on m’attend dans vingt minutes ; c’est certain, je serai en retard ; et ma voiture est coincée là, sur cette maudite autoroute qui mène à la grande ville.
Ma radio, coincée elle aussi sur une station pour vieux, hurle des chansons éternelles que l’on n’entend plus guère. Et ça tombe bien, j’aime cette vieille station radio, elle me rappelle mon enfance, quand ma mère chantait dans sa cuisine en préparant des crêpes.
Quand je pense que je vais négocier une grosse affaire, dans une grosse entreprise et que si je réussis, j’aurais une grosse commission qui me permettra de vivre le restant de mes jours à l’abri du besoin.
A ma gauche, ben oui, moi j’ai une petite automobile alors je suis à droite, un conducteur me reluque sans discrétion ; veste sombre, le pantalon doit être assorti, mais de mon petit véhicule, je ne vois pas, chemise blanche, cravate foncée, grosse voiture. Je détourne la tête pour échapper à son regard et lui faire comprendre qu’il me dérange.
Je monte le son de ma radio qui diffuse « Framboise » de Boby Lapointe (j’adore !) et baisse la vitre pour montrer à ce bonhomme que j’ai envie d’être tranquille à écouter ma radio, dans ma petite voiture.
Il me fait des grands gestes ; je coupe ma radio et voilà qu’il me dit : « Ohhhhhhhh ! J’adore Boby Lapointe et il est rare de rencontrer des gens qui l’apprécient à sa juste valeur. « Mais je rêve ! Et je lui réponds : « Eh bien moi je le connais même pas ce chanteur ! J’écoute cette radio d’abrutis parce que mon poste est coincé dessus !! » Et je remonte, furieuse, ma vitre et éteins ma radio. Mais c’est que ce dragueur, il n’en reste pas là ; il descend de sa grosse voiture et vient taper à ma vitre et me crie « Madame, je vous trouve charmante, puis-je espérer un dîner ? » Mais je rêve ! Devant tous les autres automobilistes ! « Voilà, vous n’avez rien à faire, là coincé dans les embouteillages, alors vous draguez ! Moi je me relaxe dans ma voiture sans rien demander à personne, avant d’aller négocier une affaire, je suis en retard à cause de ce fichu bouchon et vous venez me draguer avec vos gros sabots et votre grosse voiture ! Mais je rêve ! Allez bosser pour nourrir votre femme et vos trois gosses et foutez-moi la paix ! » Et je remonte la vitre de ma petite auto bleue et fais claquer la fermeture automatique des portières ; eh non ! Ça n’était pas en option ! Je suis furieuse. Me draguer comme ça, dans un bouchon ; où est passé le romantisme !? Quel nul !
Ah ça y’est ça roule. Ouf, me voilà débarrassée de ce dragueur !
Une heure plus tard, j’arrive à mon rendez-vous ; on m’annonce et une secrétaire me fait entrer dans un somptueux bureau où est assis le dragueur de l’autoroute. Non ! Ce n’est pas possible ! Je rêve !!
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Mais je rêve !
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