La naissance du Monde..
D’abord il y eut l’Eau.
Calme, au ciel confondue.
Dans ce lait primordial, assez loin les uns des autres quatre Dieux pensaient en silence....Tzacol le Créateur, Bitol le Modeleur, Tepeu le puissant et Quetzacoatl le serpent à plumes.
Ils se sentaient bien seuls. Et pour tout dire s’ennuyaient ferme.
Alors ils accordèrent leurs pensées et décidèrent que l’Eau se retirerait pour laisser place à la Terre, au Soleil et à la lune. L’eau était très fachée de tant d’ingratitude mais elle se retira .......pas pour longtemps.
Puis ils sculptèrent la Terre lisse et tendre en montagnes tranchantes.
Le silence y était si poisseux qu’ils les couvrirent de buissons, d’arbres en fleurs, y firent chanter le vent dans les flutes de bambous, éclore les papillons et les cacatoès aux plumes écarlates. D’un claquement de doigts apparurent vallées, ruisseaux, poissons, jaguars et autres agoutis...
“Et maintenant, adorez nous !!” commandèrent-ils à la création.
Dans une confusion totale de cris, hululements et froissements d’ailes, les animaux s’exécutèrent. Las : leur langage était incompréhensible, même des Dieux.
Ca ne va pas du tout ce travail, dit un des Dieux. Bientôt, ils se rendirent responsables les uns les autres avec une parfaite mauvaise foi la malfaçon originelle.
A la fin, ils prirent un diapason, accordèrent à nouveau leur pensée et chassèrent les animaux : “Ceux qui nous adoreront sont à naître, vous serez leur parure et leur nourriture, allez, et que tombe la première nuit.”
Pendant ce temps la mer demandait rendez -vous à la lune............
.......
A l’aurore d’une détestable nuit, les Dieux se levèrent, bien décidés à offrir au monde une créature obéissante et vénérante.
De terre et d’eau ils modelèrent le premier homme et sa compagne.
Las, ils prenaient la pluie, la moindre goutte inclinait leur tete,
Pire, au soleil, ils devenaient raides et ne pouvaient plus marcher.
Pire, leur bouche close cessait de prier.
Pire, ils devenaient incapables de se retourner en arrière et contempler leurs fautes.
Pire que tout le reste, leurs accouplements étaient stériles et ne donnaient que le pétrin originel dont on les avait tirés.
Alors les Dieux se fachèrent et convoquèrent Mais et Haricot Noir, deux chamanes.
Unissez vous grondèrent -Ils.
De cette union très contrariante naquit un oracle qui dit tout de go :
"DE L’ARGILE DURCIE ON TIRERA IMAGE DES DIEUX POUR MIEUX LES RÉVÉRER.
DE BOIS LES HOMMES SERONT FAITS"...
Certes ils étaient un peu raides, leurs gestes mécaniques, mais cela donna quelque temps satisfaction aux Dieux....
Ils ne parlaient guère, mais la cacophonie des débuts avait guéri les Dieux de tout bavardage, et le silence des hommes de bois pouvait etre interprété comme une grande révérence. Et surtout contrairement aux hommes d’argile, ils croissaient à toute allure sur la terre et se multipliaient grace aux flèches des colibris jolis.
Les Dieux, contents, dirent : "Que tombe la deuxième nuit."
Pendant ce temps la Mer se vidait une bonne vieille bouteille de téquila avec la Lune.
.......
N’étant doués de parole, les hommes de bois ne l’étaient pas non plus de ce en quoi se grave la mémoire.
Surtout, avec le temps , leur tête se désséchait et leur sang devenait jaune et collant.
Les Dieux se mirent une nouvelle fois en colère.
Les animaux, les marmites et pierres à moudre que les hommes de bois avaient tant fait souffrir y puisèrent le courage de se révolter : “ Vous nous avez mangé, charbonné notre tête et notre bouche, vous nous brûliez comme si nous y étions insensibles. Nous allons vous le rendre maintenant !!
Les chiens et jaguars mordirent les batons qui leur bottaient le train,
Les pierres de l’âtre se soulevèrent et réduisirent leur tête en cendres.
Les Dieux étaient assez partagés entre la satisfaction de voir d’autres qu’eux mener la mutinerie et l’accablement qu’il ne restât rien de cette étape créatrice.
Alors, il prirent les derniers morceaux de bois qui couraient en tous sens, grimpaient désespérément aux arbres et tentaient de s’échapper en s’accrochant au lianes, les couvrirent de poils pour cacher les restes de cendre, les assemblèrent en douce avec un vieux fond de résine collante et appelèrent "Singe" le produit fini.
Puis ils decretèrent la troisième nuit avant que quiconque pose trop de questions embarrassantes.
.........
Pendant ce temps la Mer, le colt contre la hanche et la main sur le colt réfléchissait à un deal avec la Lune.........
Les Dieux ne parvenant pas à créer l’homme, inventèrent des Seigneurs
La fille de l’un d’eux, la voluptueuse Ixquic
Avait ouï parler d’un bel arbre exotique
Du nom de Calebasse.
Elle atteignit le bois où l’arbre se dressait.
Si je touche ces fruits, me perdrais-je,
Mourrais-je avant le soir ?
Le plus gros fruit darda sur elle un regard noir
Orbites caves.
“Prends en un si tu veux. Approche donc ta main.”
Au moment où ses doigts s’emparaient du butin
De la bouche édentée jaillit de la salive.
“Ton ventre désormais est fécond de ma bave”
Dit le fruit en riant......
Quelques neuf mois plus tard le père d’Ixquic la ronde
Blessé du déshonneur
S’apprête à sacrifier son enfant, sa douceur.
Les hibous messagers chargés de rapporter
Son cœur en gage du succès
Se laissèrent convaincre durant le voyage
Qu’un tel crime à l’histoire des hommes serait outrage ;
Alors dans une jarre, ils versèrent la sève
De l’arbre calebasse, qui en cœur se forma.
Le père crut son honneur lavé......
Ixquic au fond de la forêt
Mit au monde le premier
Homme
.........
Pendant ce temps la mer attend la Lune, qui lui a posé le premier lapin.