Alors, Loulou,
Prêtes pour un nouvel aparté ?
Loulou, j’adore cette connivence qui nous rend complice dans ce rôle de spectateur mi-amusé, mi-étonné, mi-effrayé de la gadoue ambiante... (je sais cela fait 3 ‘mi’, mais tu vas pas me dire que tu t’accroches à ce genre de détails bassement matériel, non ?!).
Plein de soucis ces derniers temps avec certains Moldus caparaçonnés de certitudes comme des tatous mal lunés, je souffre, t’as pas idée, crevé, vidé, lessivé... faudra que je m’en lave la tête en complétant, un prochain soir, la ‘lettre ouverte’ par un chapitre "les Moldus au boulot"...
Alors tu comprendras que ce soir j’aspire à la douceur, à la tendresse, à la guimauve s’il le faut, qu’importe pourvu que ce soit ’soft’ ! ...et tu ne seras pas surprise que je te parle d’amour !
Je rebondis sur le dernier courrier où je pose une question "orpheline", qui n’a pas de réponse, mais qui me turlupine depuis de nombreuses lunes : Peut-on aimer sans retour ? [ Malgré le cliché que l’amour sans écho est la pire des calamités (après le sida, le palud, les tsunamis, GW Bush et les ratons laveurs, évidemment) ].
Aimer sans réciprocité... si l’on pousse cette idée à son paroxysme, je crois moi que c’est dans la solitude que l’on peut réellement approcher le ‘sublime’ de ce sentiment, loin de toute distraction.
Vous avez dit bizarre ? En quoi est-ce étrange ?
C’est un peu l’idée qu’il y a dans cette image que j’ai déjà utilisée dans d’autres textes, de sentiments "audibles uniquement par osmose". Elle trouve un sens ‘évident’ dans un couple (y compris d’amis) lorsque les mots ne servent plus a rien et qu’un regard suffit, mais également quand tu te retrouves seul avec cette émotion, que l’autre ne veut plus accepter, mais qui est tellement présente et qui, paradoxalement, peut te plonger dans une certaine volupté tant elle t’imprègne.
Je ne parle pas ici du deuil. Là, la dimension est toute autre et tellement plus complexe à appréhender.
Je parle de rupture sentimentale, celle là même qui nous pend au nez dès lors que l’on s’aventure imprudemment, mais avec tant de conviction et d’enthouiasme, dans le "nous".
Que ceci soit clair, je reconnais et respecte la douleur inhérente à la séparation ou à la trahison, elle porte un tel poids de regrets, ou de remords...
Evidente, également, la difficulté de s’en remettre, invivable le sentiment d’abandon (quel coup bas porté à l’ego !).
Mon propos n’est pas de nier cette souffrance/déchirure. Moi-même j’ai été littéralement anéanti, retourné, la chair à vif, par son départ il y a quelques années de cela...
Mais je ne lui en veux pas. Il y a une chanson de JJ Goldman qui dit "...que les vents te mènent où d’autres âmes plus belles, sauront t’aimer mieux que nous, puisque l’on ne peut t’aimer plus...", c’est un peu fleur-bleue, j’en conviens, mais ça exprime assez bien ma perception/conception personnelle de la rupture... .
Au risque de te paraître cynique ou insensible, Loulou
Je crois qu’il y a un risque réel de s’enliser dans la mélancolie* si l’on ne parvient pas à se ressaisir, à prendre du recul pour voir le chemin qui reste à faire, aussi lent, long et difficile soit-il !
*une forme -peut-être masochiste- de plaisir..? même si cette idée est paradoxale et peut sembler incongrue.. Auto-compassion ou confort relatif d’être entouré dans ces moments si difficiles ? (j’entends les huées d’ici, mais bon, je défends un point de vue personnel qui n’engage, par définition, que moi et je ne prétends pas détenir ou prêcher "la vérité universelle"..).
Au delà des brisures, de l’écrabouillement, au delà des hostilités, des camouflets ou des sarcasmes, une fois dépassé le cap de désespérance, une fois la paix (intérieure s’entend) retrouvée... que reste-t-il, Loulou, dis-moi sincèrement, si ce n’est le souvenir de ce qui nous a initialement rapproché et tout cet amour partagé ?
L’amour est là, et est fondamental. (Je parle ici du sentiment dégagé de son enveloppe charnelle, de sa personnification). Il est forcément fondamental et vital sinon je crois que nous aurions tôt fait de tourner la page, en le niant tout simplement.
Aussi compliqué, difficile et apparemment absurde qu’il n’y paraisse, il faut dépasser la colère et l’animosité inhérentes au sentiment d’abandon et résister à la tentation de sombrer dans un désespoir "égotiste" (légitime, sans doute, mais en définitive... inutile) du : "comment ose t’il me faire ça à moi !?, à moi qui ait... ; moi, qui fut... ; moi, qui lui...".
Moi -au bout long cheminement, c’est vrai (une dérive de +/- 2 ans ?)- , je lui ai envoyé une lettre disant en substance : "finalement, il faut que tu comprennes que je ne t’en veux pas et, tu sais quoi ? ben, oui, je te remercie sincèrement de m’avoir inspiré tout ce temps, tu es et resteras un joli moment, important, de ma vie..".
Décidément, oui, je crois que c’est lorsqu’on se retrouve seul face à cet amour que l’on peut en mesurer (enfin ?), toute l’étendue et la profondeur.
J’en suis tellement convaincu.. et cela m’aide de m’accrocher à cette idée là.
Le reste, ce qui est de l’ordre du ‘palpable’, est bien évidemment le plaisir infini de partager ce sentiment et ces gestes amoureux. Et ce bonheur là, Loulou, je ne le renie, ni le nie.
De même, je ne dis pas que c’est souhaitable de se retrouver échoué. Le sentiment d’isolement est indiscutablement misérable, calamiteux, abominable.
Loulou, je ne te prétends pas non plus qu’il soit facile de tourner la page. J’affirme qu’il faut arrêter de mentir aux enfants en prétendant que l’amour disparaît nécessairement quand l’autre claque la porte ou, pire, qu’il est impossible d’en sortir indemne. Je soutiens (je cherche à me convaincre ? peut-être... et puis ?) je soutiens, donc, que l’on peut passer à autre chose tout en gardant intactes les traces de cet amour. Il est là, il se transforme, se racrapote dans un coin reculé de la mémoire ou du cœur (personne n’a jamais su). Il nous transforme et nous prépare clandestinement à ce qui suit... inexorablement.
Et si l’on se ‘contente’ d’attendre que la peine ou le sentiment qu’on avait pour le (la) traître(sse) disparaisse, il peut s’écouler beaucoup de larmes dans l’encrier, crois-moi.
Je prétends qu’à la haine ou au désespoir survit le souvenir ému de la première rencontre, du courage inouï qu’il a fallu à l’un de nous pour oser le premier baiser (héroïque, ça, non ?). (Oui, je sais j’ai déjà utilisé cette ‘formule’ mais je l’adore alors pourquoi m’en priver ? lol)
Loulou, je ne crois pas au destin (mais j’en sais rien, au fond), je crois par contre que nous avons tous un chemin à faire, une mission à accomplir le temps de notre vie... Quoi, comment, pourquoi, quand, avec qui ? J’en sais rien et ce chemin là nous est strictement personnel, à chacun d’y apporter ses réponses ou ses envies...
Je me refuse à croire que nous ne sommes que des passants, des larrons réagissant tant bien que mal aux occasions. Loulou, ne te contente jamais d’une vision "nasale" du monde, accroches-toi à ton ambition, vise l’horizon. Moi j’ai décidé, une fois pour toutes, que je peux, que je dois, me créer les occasions en restant éveillé, attentif et ouvert, en ‘alerte’, curieux de tout. Je crois sincèrement que nous avons tous un choix à faire : soit, nous contenter de regarder défiler notre vie en spectateur, soit de développer la volonté farouche de nous imposer comme ‘acteurs’... .
Nous avons un chemin à faire, aussi difficile, compliqué, tordu, piégeur soit-il, ..et ce chemin là nous donne l’obligation ‘personnelle’ de nous relever et d’agir.
Au delà de la souffrance terrible, que je connais, reconnais et respecte, au delà de la crainte de se tromper à nouveaux (on jure, mais un peu tard, qu’on ne nous y prendra plus), de se faire des promesses que l’on sait fragiles et aléatoires, de ne plus oser courir le risque d’un nouvel abandon,..., au delà de l’illusion douce de trouver du plaisir dans cette nouvelle liberté qui nous est si cruellement imposée,..., à un moment donné on en vient nécessairement à espérer que cette solitude ne soit qu’un incident de parcours, l’envie/besoin de se relever, d’avancer renaît et l’idée du "nous" s’impose à nouveaux... (serions-nous programmés ou conditionnés ?).
Je crois que cette énergie là nous vient précisément de tous ces amours accumulés que nous nous gardons plus ou moins consciemment. Est-ce l’instinct de survie ? Je ne sais comment définir ce phénomène, je me contente de constater l’existence de cette réserve d’énergie. Je crois que la tristesse a parfois une beauté telle, une telle profondeur aussi, qu’elle peut être génératrice de ’vitalité’..
On se construit note après fausse note, de promesse en trahison, d’envie en aveux, d’amour en chagrin,..., un univers qui nous nourrit. Je crois que ce n’est pas la destination ou l’étape du moment qui compte à long terme, c’est le voyage, ‘notre chemin’, dans ce qu’il comporte d’embûches et de découvertes.. .
Une initiation au sens rituel, tribal, mystique, du mot ?
"Drôle de considérations", peut-être Loulou, mais moi je m’accroche à ces idées là, elles me guident dans mes moments de lassitude ou de mélancolie..
Bien entendu, quand je parle comme ça à une amie qui vient de se faire larguer, elle me regarde de travers "pauvre fou, pffff..", ou elle me fout dehors à grand fracas, ou elle alerte les médias, rubrique courrier du cœur, en publiant (ben tiens) la photo du dangereux hérétique.. (et là t’as l’air malin avec ta tronche étalée dans les journaux féminins... plus dur après pour draguer.. forcément..!).
C’est certain, c’est insupportable cet "é-cœurement" qui balaye et masque tout le reste sur son passage. (Je crois, pour l’avoir moi-même vécu, que le plus difficile dans l’absence n’est ni la durée, ni la distance, ce qui est douloureux c’est le terrible pouvoir envahissant du vide).
Mais n’est-ce pas justement dans ce vide, dans cette apesanteur, que l’on peut s’élever et se concentrer pleinement sur l’amour à l’état pur ? Loin de tout importun, du bruit, des gens, loin des lieux-communs "avec le temps..", "just’un mauvais moment.." et autres "oui, mais.." du genre ? (Il y a une jolie phrase, qui n’est pas de moi, qui dit : "Il y a des gens qui sont tellement importuns qu’ils augmentent votre solitude en venant la troubler").
Et si l’on y arrive, n’est-ce pas justement cette attitude qui donne à l’amour toute sa signification, son essence, sa dimension sublime ?
Je t’ai déjà raconté l’anecdote de l’incinération de mon père (cf. ‘notre père éternel’), ma mère ne nous y a pas accompagné, elle est restée seule à la maison. Certains en furent un peu choqués... les convenances, voyez-vous, encore et toujours !
Moi j’ai rarement vu plus grande preuve d’amour que dans ce geste, seule pour pouvoir se recueillir loin des obligations, du conformisme, pour se réfugier dans le spirituel. Pour profiter pleinement de cet amour..
A tort peut-être, j’y ai vu une leçon : aucun départ ne peut détruire l’amour. Ceux qui ne comprennent pas cela, finissent -soit par tout nier en bloc et se durcir, -soit par se complaire dans le problème et finissent par se perdre corps et âme dans la mélancolie.
Je crois moi que ces amours là, sont des trésors que nous nous mettons inconsciemment de côté et qui nourrissent nos prochains désirs, qui alimentent secrètement nos envies, qui nous poussent inéluctablement à la prochaine rencontre.
Je sais Loulou, tout ceci est fort abstrait dès lors que l’on souffre, compliqué et difficile à admettre, j’en ai pleinement conscience, pourtant..
L’amour au ciné est plus simple : après avoir occis quelques douzaines de dragons, s’être débarrassé des fées jalouses, après avoir traversé des déserts brûlants, escaladé des montagnes enneigées, baffé quelques bellâtres qui ont le mauvais goût d’avoir les mêmes que vous, renvoyé à leurs oignons des parents qui, décidément ne comprennent jamais rien à rien, ..., ils se retrouvent au coucher du soleil, prennent leur élan et se sautent dans les bras.
Le rideau se ferme alors sur la promesse qu’ils vivront heureux entourés d’une ribambelle de marmots-proprets tandis que l’ouvreuse gueule : "la sortie est à droite de l’écran !".
L’ouvreuse est clairvoyante, il y a toujours une sortie pour ceux qui le veulent, il suffit d’occulter ses sentiments sous une carapace de tatou blasé et de décider, une fois pour toute, que le cœur ne peut avoir raison jamais, jamais, jamais.
Se fermer est une solution, Loulou.
Elle ne me convient pas, nier l’amour reviendrait à me priver d’énergie, je ne veux pas devenir un de ces êtres froids, perdre ma naïveté, perdre la richesse de ces sentiments qui me nourrissent et me conditionnent. Je revendique au contraire le droit de pleurer en public, le droit d’y penser sans le faire, le droit à l’inachevé dans ce qu’il comporte de regret et d’espoir, le droit de prendre la main d’une amie sans que la morale ne réprouve et ne condamne, dénaturant que c’est sur ses fesses qu’elle se pose... .
J’ai décidé une fois pour toutes de vivre au travers de (grâce à) l’émotion et j’ai un vrai plaisir enfantin quand je rencontre des gens qui acceptent leurs ambivalences, leur doutes, ..., qui savent tirer parti de l’énergie inhérente à leurs émois de quelque nature qu’ils soient... .
Ceux-là sont des cœurs purs et je cherche à m’en faire des amis.
En général des femmes, au-delà du cliché, souvent plus intuitives (du moins celles que je fréquente, les hommes sont plus ambitieux, ils jouent au monopoly pour de vrai, jamais pour le plaisir).
Et c’est sans doute à cause de ma propre sensibilité que j’entretiens avec elles des relations pour le moins ambiguës (jamais perverses).
Et voilà que je me retrouve encore une fois avec au cœur ces drôles de considérations, à rêver, à espérer, que tu ne prennes pas peur, que tu ne te fermes pas face à ces sentiments si librement affichés et qui ne sont, en définitive, qu’un signe d’ouverture.
Loulou, lorsque nous partageons ces moments privilégiés, j’ai l’impression que nous parvenons à oublier la réalité (ce que nous vivons, toi et moi, chacun chez soi) pour nous focaliser sur ce que nous sommes (sans artifices, se focaliser sur les émotions et les envies)..
Le plaisir unique et réservé aux "initiés" de parler librement, sans jugement, sans interrogation,... juste une attention sincère et empathique.
De la complicité ?
Bientôt j’espère, et j’y crois au travers de ce que tu me découvres déjà de toi.
Loulou, je suis heureux, tu fais partie de ces personnes rares qui dégagent une telle aura, une belle lumière, que la plupart des autres marchent en dessous sans la voir.
Heureux de me retrouver, une nouvelle fois, à rêver le nez en l’air...