Elle s’avance rampante comme la crue, s’insinue dans les sinus qu’elle harcèle, décibel après décibel, les inonde de son fracas assourdissant.
Elle investit le palais, brandit la céphalée. Elle ébranle les chambranles, envahit les chambres, faisant trembler dans leurs frêles membres les vaisseaux et les faisceaux de dendrites timorés. Elle a tôt fait d’annexer le cortex tout entier, elle l’assiège, le décortique, le piège, le triture, le torture de fièvre tierce, l’étouffe, le livre tout fumant aux plus infâmes tourments.
Ce soir, j’ai la migraine et je me traîne, immigré maghrébin, malgré le bain, malgré les graines de troène en décoction. Amère potion. Je l’avale d’un trait. A peine entrée dans l’estomac, elle pénètre le soma et tout mon être que la migraine assomma se met à s’aimer. C’est même étonnant, maintenant que j’y pense. Mes pieds agiles dansent et mon gilet sur ma panse allégée s’avance joliment.
Une feuille est tombée sous ma main, une page blanche au grain si fin qu’à la peau de tes hanches je me mets à penser. Sans cesser de les caresser, mes doigts de plume dessinent des arabesques carnavalesques et c’est Venise et ses gondoles et tu ondules. Les mots s’épanchent en étrange graphie. Séraphique sur toi je me penche, ailé comme archange. Sur le duveteux vélin de ton vallon.
Bas les masques ! La farandole bergamasque, folle et fantasque s’est grippée. Sous la face grimée les rires s’espacent, la fête me lasse et la tête basse je quitte l’arène où tu ne saurais me retenir. Je sens revenir ... la migraine