Un auvent, soutenu par deux poteaux dorés, se présente.
Je pénètre sous la toile. Des gradins sont remplis de spectateurs ébahis devant le spectacle qui se déroule sur la piste sablée devant eux.
Je m’approche en silence afin de ne pas troubler la magie qui émane de la rencontre de deux personnes évoluant au centre du cercle délimité par des bottes de paille recouvertes d’un drap de velours rouge.
Il est assis sur une sorte de pouf en bois. Son habit bleu nuit ajusté révèle une silhouette massive. Un drôle de chapeau cache ses cheveux que l’on devine bruns et courts, sa peau mate ne renvoie pas la lumière du projecteur, un peu de farine sur le bout de sa chaussure.
D’une main, il tient un violon calé sous son menton, de l’autre il manie l’archet avec virtuosité. Des tonalités d’une douceur extrême coulent des cordes caressées par le crin.
Son corps est tendu tant il s’applique à faire passer ses émotions dans la mélodie, tant il a peur que cette apparition ne soit qu’une illusion de plus. Il a cherché si longtemps, partout et en tous lieux, sans jamais désespérer.
Mais, maintenant, qu’elle est là debout devant lui à quelques pas, il est effrayé à l’idée qu’elle puisse le prendre pour un autre. Qu’il ne sache pas comment la convaincre de sa sincérité. Il sait qu’elle ne juge pas les gens, qu’elle les accepte tels qu’ils sont.
Elle est sage et pétillante à la fois.
Une lumière dans la noirceur de ses jours.
Il ose laisser ses yeux se lever un instant vers elle.
Une longue robe de voile blanc habille son corps. Ses courts cheveux châtains dévoilent l’ovale de son visage. Peu de maquillage, juste un peu de rouge brun sur ses lèvres.
L’intensité de son regard posé sur le violoniste est telle, que même dans l’obscurité la lumière de ses yeux les éclairerait d’un halo.
Les dernières notes s’égrainent. Il pose son instrument sur sa jambe, son archet sur l’autre.
Elle s’avance. L’ondulation de sa démarche témoigne de sa fragilité. Le tissu frôle son pantalon, ses doigts effleurent sa joue.
Les palpitations de son cœur lui causent une agréable douleur. Il ne respire que par nécessité.
Elle laisse son âme se baigner dans l’eau de ses yeux.