Le soir descend peu à peu et enveloppe d’ombre les murs de pierre du Palais Royal d’Aranjuez. Dans les jardins longeant le Tage, embaumé du parfum suave des roses, une silhouette se glisse vers la grande fontaine d’où jaillit une source en un son cristallin.
Elle se penche, et d’un geste doux effleure l’eau pour rassembler quelques pétales pourpres qu’un rosier fait pleuvoir comme pour célébrer sa présence aimée.
Ses cheveux se reflètent en transparence dans l’onde claire et la longue robe qui l’enveloppe semble flotter autour d’elle, irréelle. Elle lève la tête et d’un tendre sourire accueille l’ombre éprise qui la rejoint. Elle lui présente ses mains qu’il embrasse avec fougue, laissant échapper en gouttes odorantes les fleurs ivres de passion.
Mais, la nuit se pose et le ciel se fait soudain plus hostile, les eaux du Tage s’assombrissent et un vent tiède fait frissonner le jardin. D’autres traces envahissent maintenant le parc, brutales et cruelles, elles séparent les amants.
Dans les ténèbres qui s’émeuvent, le jeune homme s’écroule, un poignard dans le cœur.
La belle effondrée, dans un geste douloureux parvient à échapper à celui qui la retient et se laisse tomber sur le corps ensanglanté de son bien aimé.
Ses sanglots se mêlent en une mélodie âpre aux larmes des bassins.
Les roses s’égrènent alors en taches de sang écarlate et les ombres s’évaporent laissant les jardins retrouver leur apparente sérénité.