Dans la famille nombreuse de mes haines successives et simultanées, famille qui tend au clan, au groupe, à la surpopulation, sont présents, en vrac : le céleri sous toutes ses formes, les fascistes duccéens, hitlériens, staliniens, pétainéens, franquistes, lepénistes, mégretistes, bushistes et ultra-libéraux (aucun d’entre eux ne mérite de majuscule en violation flagrante des règles de la langue française mais en accord parfait avec la liberté, l’égalité, la fraternité, la démocratie, la vie, les fleurs, les papillons qui volettent calmement au dessus des champs de blé mûr, l’amour...), les filles faciles, les vieux si l’on en retire ma grand-mère, les cons à l’exception notable de ... moi, qui m’aime bien finalement, les vaniteux, les conducteurs d’Audi, plus généralement les allemands de sexe masculin, les allemandes quand elles sont faciles et fascistes, les militaires engagés volontaires, Tintin au Congo, la Vache Qui Rit rance sur tartine rassie, ma tante Sylvaine puisque l’on parle de vache, le rosé de Provence, la rosée du matin, les ministres du Poitou, les Ferrari bleues, les religieux prosélytes, les menstrues de la femme que j’aime, la piscine de François Léotard avec son petit mur autour, les caniches nains et leur maîtresse, ... Je collection, je compile. Je mets mes plus beaux exemplaires dans un hainil plutôt que dans un hainier. Si tu t’approche de la cage, ils mordent.
Bon, surtout, par dessus tout, au delà même de la raison qui m’habite comme le châtelain fier son donjon ancestral, je hais, que dis-je je hais !, j’abhorre les « nouveaux pères ».
A l’instar du morpion et d’Annette Melchoix, comptable accorte et disponible pour tout extra, les nouveaux pères me broutent les couilles ! Je pourrais les tuer tous, exterminer l’engeance, débarrasser la terre de ces niais enfanteurs qui considèrent les taches de gerbe de leur petit dernier sur leur polo Lacoste comme autant de médailles du mérite méritées, les fièvres de pousse de dents comme autant de canicules mortelles, les changements de couche comme un moment d’amour privilégié et les devoirs de maths comme des jeux amusants.
Avant que de n’avoir moi même une progéniture angélique, je les détestais déjà. Mais de loin. Heureux temps où je pouvais les ignorer, les snober, les attraper dans les rues sombres pour les battre en les insultant, les torturer pour qu’ils abjurent leur paternité flamboyante et exhibée, où je niquais leur femme pendant qu’ils gardaient les oisillons transis dans le nid confortable de leur appartement prison, fiers du devoir en plein accomplissement, « je remplace la mère de mes enfants qui a bien le droit de sortir un peu, non ? » alors qu’elle se faisait, avec moult délices, rentrer dedans.
Aujourd’hui, ces cons envahissent épisodiquement mon salon ! Il suffit que Catherine invite leurs compagnes pour qu’ils rappliquent aussi alors que je ne les ai pas, moi, personnellement, intimement, conviés. Cafards, Huns, Wisigoths, Vandales, Feldwebels, Campingcaristes !
Pendant que les femmes assises autour d’une table garnie d’amuse-gueule divers assassinent mon Yquem en parlant de tout et de rien la bouche pleine - ne sont-elles pas les meilleures amies du monde et n’ont-elles pas, ainsi, dépassé toute idée de dissimuler mêmes les détails les plus petits et intimes de leur vie morne ou trépidante, ou de prouver quoi que ce soit aux autres ? -, que les chiards mal élevés des susdites maquillent mon frigo à coups de timbres rares et précieux et trampolinisent sur mon canapé en vélin sauvage de Tanzanie, sans même retirer leurs patins à roulettes, les pères nouveaux me content leurs exploits domestiques et paternels, par le détail, comme le ferait la catéchèse exaltée de la vie du Christ ou le troubadour itinérant du courage de Roland à Roncevaux.
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J’ai changé les couches d’Arthur trois fois la semaine dernière ! Le biberon au micro-ondes ? Ah non ! Bien sûr, pour la lessive, il n’y a que Bonux ! Hi ! Hi ! Avec le petit cadeau dedans, c’est tellement plus drôle ! Je suis élu parent d’élèves ! Je suis très concerné par tout ce qui touche à l’éducation ! Vraiment, j’adore donner le bain ! Je pouponne, je pouponne, je poup... Arthur, viens, mon chéri ! Qu’est-ce qu’il y a ? Jean-Charles y m’a fait mal ? On ne dit pas « y m’a fait mal » mais IL m’a fait mal ! ... Là, c’est bien. Jean-Charles, mon chéri, viens par ici ! Qu’est-ce que tu as fait à ton frère ? Tu l’as tapé !!! Mais pourquoi tu l’as tapé mon grand ? Parce qu’il ne voulait pas jouer aux Lego avec toi ? En voilà des idées de taper ton petit frère pour ça ! Allez, dis-lui pardon et fais lui un bisou ! Là, c’est bien ... Ah ! Ces deux là ! Qu’est-ce que nous disions donc ? Ah oui ! Avec Martine nous pensons acheter un camping car. Ce sera tellement mieux pour visiter les châteaux de la Loire avec les garçons. C’est qu’ils aiment ça, les châteaux, les enfants. Les chevaliers, les donjons ... Comment ça il n’y a pas de donjons dans les châteaux de la Loire ? Ah bon ? Seulement au Moyen-Âge ? Ah oui ! Martine ? Tu sais ce que dis Claude, dis donc ? Il dit que les châteaux de la Loire ne datent pas du Moyen-Âge ! Tu le savais ? Renaissance ? Ah, donc, tu le savais ! Bon ! On ira chez Astérix, alors ! C’est éducatif aussi, Astérix ? Parce que Mickey !!! C’est comme les hamburgers. Une fois de temps en temps, c’est bien, mais pas trop souvent, non ? Alexandre nous a fait une bonne diarrhée en sortant de McDo l’autre jour. Je ne suis pas sûr que ce soit sain ! Et puis, avec sa scarlatine ! Mais il s’est bien amusé dans les jeux. Ensuite, il n’a pas dormi de la nuit. Et autant te dire que moi non plus. Je l’ai veillé jusqu’au matin. On va en faire un troisième. Je vais peut-être prendre un congé parental, arrêter le boulot, ou alors à mi temps. J’aime ce que je fais, c’est sûr, mais ma famille est tellement plus exaltante .... J’aime les enfants !!! Comment ? Oui, bien sûr, j’aime Martine ... aussi. Mais ce n’est pas la même chose. Tu te rends compte, toute ma vie est vers eux !
Mais moi aussi j’aime les enfants, Ducon ! Les miens, surtout. Même, je les adore. Je les trouve super sympas, en général et en particulier. Mais ma vie, elle est à moi. Et si j’aime vraiment quelqu’un ici bas, c’est Catherine. Merde, la femme la plus belle du monde ! Du monde ! Et je peux avec elle faire des trucs que ... Enfin, quoi, je ne chante pas Billie Jean, moi ! Et, avec le Pauillac, la sexualité c’est ... crucial !
Merde, je leur donne beaucoup, à mes enfants, mais tout ? Comment est-ce que je pourrais leur donner un bon exemple si je ne suis plus rien, comme exemple ?
Mais non, je ne te juge pas ! J’ai pitié, c’est tout ! Ouais, pitié !
Comme mon père ? Tu le connais, mon père ? Non !
Bon, alors, TA GUEULE !
Mais non, Catherine, on ne se bat pas ! On échange des idées fortes, c’est tout.
Bon, excuse-moi, Machin ... Pierre ! Oui, excuse-moi, Pierre, je me suis un peu emporté !
Tu me parle de mon père. Tu veux qu’on en parle ? Charles Braize ! Le grand reporter ! Tu connais ? Non ? Tu ne connais pas grand chose à par les marques de BN ! Bon, d’accord ! Je ne sais pas ce que c’est qu’un père ! Il n’était jamais là, tu comprends ! Je crois bien que les Coréens et les Moscovites l’ont vu plus que moi, sans parler des Korubos de la vallée de Javari et des putes albanaises. Tu parles d’un modèle !!!
Ouais, je sais bien ce que tu as en tête ! Le pater familias modèle Trente Glorieuses, qui bosse à l’usine, va au café ensuite et fout rien à la maison, qui est crevé, qui a toujours raison, qui joue de la ceinture et brique sa R16 en caressant son berger allemand et son Ricard fétiche. Le bon gros macho de base !
C’est comme ça que tu vois tous ceux qui ne sont pas une extension de gonzesse comme toi, un os surnuméraire pratique pour le ménage ?
Mais non, Catherine, j’ai rien dit !
Quoi, l’égalité des sexes ? Mais bien sûr ! Catherine est mon égale. Au moins mon égale ! Catherine est la meilleure d’entre nous. Pourquoi tu crois que je l’aurais choisie, sinon ?
Le ménage ? J’assure ! Demande donc à Catherine !
Cat’, mon amour, qui fait la vaisselle ? C’est moi ! Qui repasse ? C’est moi ? Qui lave par terre, fait la bouffe, emmène les enfants à l’école et va les chercher fait, environ une machine sur deux ? Qui est-ce qui plie le linge et lit une histoire aux filles ? C’est moi ! Qui c’est qui met la table ? Les enfants !
Hé ! J’ai habité tout seul pendant des années. Je sais tout faire ! Je le fais, c’est tout ! Pas de chichi, pas de falbala ! Pas besoin d’ameuter Gala et Voici parce qu’on a torché un chiard où qu’on a pas dormi de la nuit !!!
Tu pleure ? Bah ! Faut pas ! Je suis violent ? Moi ? Chochotte !
Catherine ! On rentre, il me fatigue !
Ah ! On est chez nous !!!
Merde !