Les choses se répètent, mais les rôles changent.
Dix-sept ans après que mon instructeur soit descendu de l’avion et m’ait laissé partir seul, c’est à moi de descendre.
Ma première élève s’en doute-t-elle ?
Au cours du vol précédent, je m’étais posé la question de savoir si c’était le moment. Elle restituait correctement ce que je lui avais appris, simplement j’ai voulu faire un vol de plus pour confirmer mon impression.
On a fait trois tours de piste au cours de ce vol. Le premier n’a pas été parfait, mais a-ton tous le même sens de la perfection, ?
Le lâcher ? vous sentirez lorsque le moment sera venu, nous avaient-ils dit au cours du stage instructeur.
Deuxième tour de piste, il n’est pas non plus parfait. Mais toi, étais-tu parfait ?
Troisième tour de piste, j’essaie discrètement, regard en coin de percer sa carapace, gardera-t-elle son calme ?
Je m’entends lui dire « arrête-toi, on ne remet pas les gaz à l’issue de celui-ci ». Son regard trahit une petite interrogation, mais je ne dirai rien, j’attendrai le dernier moment. Comme m’avait fait mon premier instructeur. En fait, c’est un moment intense à savourer, pour l’instructeur et pour l’élève. « Arrête-toi-là, le long de la piste, je descends. Toi, tu vas faire un tour toute seule, bon vol ». Elle me répond « je le savais ».
Je la regarde rouler, debout en bordure de piste, une radio portative à la main, surtout pour me rassurer.
Elle s’aligne, met plein gaz, l’avion accélère, passe devant moi, elle regarde droit devant, c’est bien. Dans ma tête, je pilote, j’effectue tout ce qu’elle doit faire. La montée est normale, le tour de piste, les annonces radio, tout est correct et la revoilà en approche finale. Elle n’a pas dépassé l’axe, le plan de descente est bon. Courte finale, réduction, l’arrondi est débuté à la bonne hauteur, toucher des roues en douceur, freinage, la piste est dégagée, parfait. Cela a duré quelques minutes mais m’a semblé une éternité.L’avion arrive à faible vitesse à mon niveau, elle va s’arrêter pour que je monte à bord pour revenir au parking, mais...Mais non elle ne s’arrête pas, comme si je n’existais pas, je pourrais lui dire avec la radio de m’attendre pour me ramener, mais je ne le ferai pas. En fait un vol n’est terminé que lorsque l’avion est rangé au parking, moteur arrêté. C’est son premier vol, je peux bien la laisser rentrer seule, et puis un peu de marche à pied n’a jamais fait de mal à personne.
Lorsque je la rejoins au parking, je lui pose la question « alors contente ? » Je n’ai pas besoin d’entendre la réponse, il me suffit de voir son regard.
Moi aussi je suis heureux, c’était ma première fois, et j’aimerai toujours ce moment où je descends de l’avion en disant à l’élève « à toi de jouer, bon vol ».
-
Premiers vols 3
...
- Accueil
- Premiers vols 3
Premier lâcher(...Suite...)
Un jour, un instructeur doit lâcher son premier élève...