Il y a eu d’autres premiers vols. Notamment le lâcher voltige.
C’était également le lâcher sur stampe, merveilleux biplan d’origine belge.
Cette fois-là, mon instructeur m’avait prévenu une semaine à l’avance. Tu monteras m’enchainer un looping et un tonneau avant de revenir te poser m’avait-il dit. Une semaine de gamberge.
Après avoir préparé l’avion, m’être installé à bord, assis sur le parachute de secours, serré le harnais puis la ceinture de sécurité comme une brute, j’ai l’impression de ne plus pouvoir ni bouger, ni respirer.
Roulage en zig-zag. Sur ces machines, la visibilité vers l’avant au sol est nulle et il faut bien se débrouiller pour avancer en sécurité.
Une fois les vérifications traditionnelles effectuées, alignement et mise en puissance progressive d’une main moîte. Déjà une grosse différence, seul à bord je n’ai pas de casque pour l’interphone, et c’est fou ce que le bruit du moteur est différent.
Mais pas le temps de rêver, la prise d’altitude est rapide. Une belle route bien droite passe en bout de piste et fait un axe de travail parfait. Arrivé à l’altitude de travail, vérification du harnais, plutôt trois fois qu’une, sécurité assurée et c’est parti pour un léger piqué de prise de vitesse. Là, je tire un peu sur le manche pour revenir à l’assiette de palier, et une seconde d’hésitation, deux, et la vitesse a diminué, je suis trop bas pour refaire un piqué. Une seule solution, refaire une prise d’altitude et un retour sur axe. Cette fois pas d’hésitation, il faut y aller. A la bonne vitesse je tire en douceur mais fermement sur le manche, aussitôt je suis tassé sur le siège par la force centrifuge : le poids du corps multiplié par trois ou quatre, les bras sont lourds, les joues sont tirées vers le bas. Je mets pleins gaz progressivement et déjà en basculant la tête vers l’arrière je peux voir l’horizon arriver. En haut de la boucle je rends doucement la main pour arrondir la trajectoire, me retrouvant presque en état d’apesanteur et replonge vers le sol. Dame centrifuge reprend instantanément son étreinte, légère réduction des gaz, par de surrégime ni de survitesse et me voilà revenu à ma position de départ.
Là, j’ai poussé un cri du fond des tripes. Heureusement j’étais seul dans l’avion.
Mais la séance n’était pas finie. Il restait le tonneau. Le tonneau est une figure au cours de laquelle on ne prend pas de grandes accélérations, mais qui fait travailler la coordination de toutes les commandes.
Retour sur l’axe après une petite reprise d’altitude, léger piqué, cabrer doucement, incliner à gauche en mettant progressivement du pied à droite, je suis déjà sur la tranche, commencer à pousser sur le manche. Sur le dos l’avion vole plus cabré que sur le ventre. Je suis en vol dos, les fesses légèrement décollées du siège, et pour cause j’ai bien serré le harnais mais en commençant par les épaules au lieu de commencer par le bassin. Je reste quelques secondes dans cette position pour prendre confiance. Sur ce biplan, il suffit de garder l’aile supérieure sur l’horizon pour être en palier, ça permet de se concentrer sur la confiance à acquérir : même en l’absence du moniteur, l’avion vole, et bien que le harnais ne soit pas bien réglé il me maintient sur le siège. Le sang monte un peu à la tête, mais la sensation d’avoir vaincu l’appréhension fait oublier ce petit désagrément. Retour ventre : manche de nouveau à gauche, pied aussi, repassage par la tranche et c’est fini. Encore un petit cri pour évacuer la tension et exprimer la satisfaction d’avoir franchi un stade. Petit retour en arrière, je me revois quelques semaines plus tôt, le jour où mon moniteur m’a montré un tonneau pour la première fois, en arrivant sur le dos j’ai laché les commandes pour me tenir à mon siège.
Nouvelle prise d’altitude pour enchainer cette fois la boucle et le tonneau, ça tourne tout seul.
Il ne me reste plus qu’à revenir me poser. Approche finale, arrondi et comme sur cet avion je ne vois rien devant je dois être un peu trop haut, l’avion touche un peu fort et ça fait un rebond, puis un deuxième, et comme un jour quelqu’un a écrit l’adage « jamais deux sans trois », j’en ajoute un troisème, atténué par un petit coup de gaz pour enfin reprendre contact avec le sol en douceur.
Dans quelques minutes, lorsque je descendrai du stampe, je le regarderai différemment : il m’a emmené là-haut, et permis de faire mes premières figures. Alors je ne lui en veux pas de m’avoir montré mes erreurs.
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