Deux yeux qui se ferment. Un vent léger. Un couloir, long, des portes qui s’ouvrent. Une traversée. Des images. Et cette pièce. Et tu es là, Lyssia, près de moi. Allongée, les yeux mi clos, je sens ta présence muette et immobile. Si forte et moi si fragile. Tu me prends la main, et ta chaleur me brûle presque. Pâle, grelottante, mon âme a mal. Je ne peux ouvrir les yeux devant l’effort que cela me demande. Je suis malade, Lyssia. Je suis malade et tu sais pourquoi.
Accroche toi.
Non, non je ne veux plus m’accrocher. Je ne veux plus me battre. Une lassitude m’a prise, une lassitude et une fatigue. Tu ne peux rien faire aujourd’hui, je n’ai plus de forces. Lyssia, laisse moi en paix, pars torturer les autres mais je t’en supplie, tue moi. Lorsque tu ne seras plus handicapée par ma souffrance, par ma raison, par le peu de sentiments que j’ai et dont tu es dénuée, tu pourras faire ce que bon te semble. Mais tue moi d’abord, que je ne tombe plus malade, que je ne connaisse plus ce mal qui me prend un peu plus chaque jour devant tes actes.
Lyssia, je suis lasse... Je suis tellement fatiguée... As-tu déjà ressenti cette disparition progressive de tes forces, de tes envies, une disparition de ton âme, et de ton cœur ? As-tu déjà pleuré, as-tu déjà eu mal, ou n’as tu pas d’âme ? Ces questions que tu n’entends pas, tu les comprends. Oui, tu as déjà crié, oui tu as déjà désiré que cette souffrance cesse, lorsque tu étais en moi. Pourquoi t’ais-je libérée ? Pourquoi es-tu hors de moi aujourd’hui ? Je veux que tu vives pour que je puisse mourir.
Je suis bloquée entre deux états, entre deux visages, entre deux pensées. Mais tu sais que si je meurs, tu meurs aussi. Tu sais que si je décide de te tuer, je me tue également. Aucune de nous deux ne peut vivre sans l’autre, comme un corps ne veut vivre à la lumière sans son ombre. Cette ombre qui me suis, qui est partout avec moi et qui n’écoute qu’elle-même et pas ma raison, cette ombre c’est Lyssia. Née aux origines du mal, libérée de moi-même, plus forte et plus puissante que moi, c’est elle qui me gouverne.
Je ne veux pas de nos conflits, Lyssia. Car ces conflits finissent par m’affaiblir, et je tombe malade, et si tu es là pour veiller sur moi, d’un geste tu pourrais me tuer, d’une parole tu pourrais me laisser. Lyssia, pourquoi suis-je tant fatiguée ? Pourquoi suis-je autant fragile ? Lyssia, qu’as-tu fait de moi ?