« Moi, quand je serai grand, je serai voyageur. Je prendrai des avions, naviguerai sur les mers et les océans à bord d’un immense bateau parcourant le monde. J’irai sur des îles magnifiques et m’allongerai sur le sable blanc en regardant le ciel bleu et serein. Je danserai et je chanterai le bonheur de vivre et de profiter de chaque minute que la vie m’aura offert. Tous les soirs, j’écrirai dans un grand cahier bleu toutes les merveilles que j’aurais rencontrées et je me ferai une multitude de souvenirs que je raconterai à mes petits-enfants quand je serai très vieux. »
« Eh bien moi quand je serai grande, je serai médecin. Je partirai très loin d’ici et je sauverai des tas de gens et chaque soir quand je m’endormirai je saurai que j’ai été utile et que ma mère pourra être fière de moi. J’irai dans ces pays où la soif tue, où les enfants trop maigres meurent de n’être que des enfants face à la folie des hommes et chaque existence que Dieu m’aidera à sauver fera s’allumer une étoile au ciel de mes espoirs. »
« Et moi quand je serai grand, je cultiverai la terre. Je ferai pousser la vie dans des champs blonds à l’odeur de pain. Le soir, assis sur le seuil de ma maison je regarderai le jour se coucher en serrant contre moi celle que mon cœur aura choisi et qui portera mes enfants. Puis je sentirai la fatigue comme une source couler dans mes bras et dans mes jambes alors je pourrai reposer mes mains douloureuses, l’esprit en paix. »
Ils demandaient si peu, leurs espérances étaient simples et vraies. Ils ne vieilliront pas, ils ne resteront à tout jamais que des enfants nés dans un pays où imaginer est interdit. Ils parlaient au futur d’une vie conjuguée à l’imparfait.
Sous leur ciel gris acier, sur leur terre de métal là où la mort rôde comme un loup affamé leur souffle s’est interrompu dans un éclat de rire. Les yeux grand ouverts tournés vers les nues continuent de rêver l’espace d’un instant... l’espace d’un instant...