Derrière la porte règne le chaos, amoncellement disparate d’objets hétéroclites, de visages et de chemins labyrinthiques, de trajectoires entrecoupées et de routes dévastées.
J’écoute l’oreille clouée contre le chêne dur et noueux de l’huis fermé, un bruit sourd et confus me parvient, brouhaha de voix, de rires et de pleurs.
Je pose la main sur la poignée, j’hésite mais dans un grincement lugubre le passage s’ouvre...
Vertige, déséquilibre je m’accroche au chambranle puis je ferme les yeux, étourdie par tout ce désordre en suspension dans l’abîme béant du passé.
Je tends une main tremblante et saisis un objet. Nul besoin de le regarder, mon cœur le reconnaît, un petit lapin orange en peluche à l’oreille recousue grossièrement par mes soins avec de la laine bleue, association étrange de couleurs. Confident fidèle et réconfortant qui me contait tant de choses, quand le sommeil se refusait déjà n’ayant aucune pitié pour mes cinq ans tremblants de peur quand les ombres envahissaient le ciel de mes nuits.
Je le serre contre moi mais il se désagrège, les tendres fantômes d’antan n’ont pas cours dans la vie réelle.
Effleurant mes doigts comme une invitation, un album de photos s’empare de mon âme. Tourbillon de visages d’hier et d’aujourd’hui qui dansent une ronde triste ou enjouée au fil des pages entrouvertes.
Un sentiment étrange m’envahit, angoisse froide, solitude glacée, indifférence brûlante...
Dans un soupir, je referme la porte...