Quand le ciel est rose - I

Le jour où l’on m’a dit que le ciel était rose je n’en croyais pas mes yeux. Ou plutôt je ne savais pas qui croire : eux ou mes yeux ? D’un côté quelque chose qui m’appartenait et qui ne peut pas me tromper, de l’autre, la raison des grands, des parents, des adultes. Et les oiseaux que vont-ils devenir ? Certes, moi j’ai déjà du mal à imaginer des taches noires sur fond rose au lieu de taches noires sur fond bleu, mais les oiseux eux, ne seront-ils pas perdus ? Leur repère n’était-il pas le bleu pour eux-aussi. Et le soleil ? En particulier le coucher de soleil ? Maintenant que le rose est la couleur du ciel par défaut, dans quelles couleurs vont se décliner les dernières lueurs du soleil ? Cette annonce a fracassé toutes les idées qui régnaient dans ma tête. Parce qu’en y repensant, il n’y a pas un seul rêve où je n’ai pas installé le ciel quelque part dans un coin, ou au dessus de moi et il n’y a pas une journée qui se passe sans que je le vois. Pour moi il est omniprésent. Et là, il vient de changer de couleur… Et le soleil, est-il toujours jaune lui ? Et si on me mentait ? Je me mets déjà à imaginer un monde nouveau alors que cela n’est peut-être tout simplement pas vrai. Je me perds dans mes pensées et dans ces couleurs autant que je peux maintenant me perdre dans ma rue.
Je décide d’attraper quelqu’un au hasard en me promenant et je lui pose immédiatement cette question : « Monsieur, est-ce que le ciel est rose ? ». Il se met à rire, puis je l’entends s’éloigner, toujours en riant. J’aurais préféré n’importe quelle autre réponse à celle que m’a donnée cet étranger. Je n’ai plus qu’à rattraper mes pensées et à me fier à mon imagination. Après tout si le ciel est rose maintenant, cela va faire plaisir à beaucoup de gens. Tellement de gens ne parlent que du temps qu’il fait qu’ils en auraient désormais beaucoup à dire ! Les machos diraient : « Vous avez vu aujourd’hui, le ciel n’est plus du côté des garçons mais du côté des filles avec cette couleur rose ! ». Les marins eux, pleurnicheraient ou manifesteraient : « A l’horizon, on n’arrive même plus à confondre la mer et le ciel. ». Les enfants s’amuseraient à penser à la première pluie que va délivrer ce nouveau ciel. Dans les cours d’écoles on pari des sacs de billes entiers sur une pluie jaune, des gouttières remplies de liquide vert ou encore, bien évidemment, sur des flaques d’eau roses. Les nuages seront-ils gris par temps de pluie et blanc l’autre partie du temps ? Moi qui ne peux voir, je finis par me dire, fataliste, qu’eux-aussi ils peuvent également avoir changés. Je fais un premier bilan : en considérant que le soleil est toujours jaune, à la prochaine averse on pourrait voir se mélanger le jaune du soleil, le rose du ciel, le bleu des nuages et le vert de la pluie ! Plus besoin d’étoiles ni de feu d’artifice pour décorer cette toile de fond ! Il pourrait faire jour tout le temps, on ne s’en lasserait jamais. Reste à savoir si l’arc en ciel souhaiterait s’accorder avec ces nouveaux tons, biens plus à la mode…