Il me semble me souvenir, je devais être au Brésil : Rio, Récif, Saõ Paulo peut être... Pas de certitude, seulement un pressentiment, mais au fond quelle importance... Il y avait aussi cette sensation étrange qui m’envahit en franchissant le seuil de la porte de cette maison étrangère et en même temps si familière.
Je revois les boiseries sombres et le tissu vert foncé qui recouvraient les murs et ce long couloir qui n’en finissait pas.
Le mobilier de style colonial, les plantes sous la verrière et le piano fermé sur lequel un bouquet de fleurs fanées avait été posé, égrenant ses pétales jaunis comme des notes oubliées sur le parquet vernissé.
Et bientôt, devant mes yeux, le large escalier aux rampes ornées de motifs dorés, que je gravis rapidement et ,soudain cette impression oppressante et accablante devant ce lit défait à l’étage, délaissé comme si ses occupants étaient partis en toute hâte, les draps blancs jetés sur le sol.
Une porte entrouverte vers un autre corridor obscur qu’une ampoule vacillante tentait en vain d’éclairer dans un grésillement sourd rappelant le vol agaçant des mouches noires.
Au fond de moi, je ressentais un étrange mélange de curiosité et d’appréhension qui me terrorisait jusqu’à la nausée.
Dans le silence pesant, j’entendis monter un chant très tendre. Une douce berceuse murmurée par une femme dont la voix mélodieuse et agréable me guida vers une autre porte que j’ouvris doucement.
Inconsciemment, je savais que je devais pas entrer mais une force étrange me poussa à le faire. La lumière était très vive et se réverbérait sur la blancheur des murs.
C’était une chambre d’enfants dont le sol était jonché d’objets divers, de jouets, de vêtements, dans un petit lit à barreaux, un tout petit semblait dormir la tête tournée vers un ours en peluche beige.
La femme dont la jolie voix m’avait attirée à elle, était agenouillée, elle portait une robe de velours pourpre et un lourd chignon posé sur sa nuque blanche retenait ses cheveux noirs de jais.
Quand elle se tourna vers moi, elle tenait encore à la main le couteau d’où perlaient quelques gouttes de sang. Horrifiée, la main devant la bouche j’étouffais un cri, trois enfants gisaient égorgés dans leurs lits.
Dans un mouvement très lent, elle se releva et se dirigea vers moi. La terre se déroba sous mes pieds. Alors je me suis réveillée.
Bouleversée, il me fallut un moment pour me retrouver et me souvenir que j’étais au Brésil : Rio, Récif, Saõ Paulo, je ne sais plus mais au fond quelle importa...