Mouettes, descendantes de lointaines lignées qui avaient vues revenir les voiles carguées des navires corsaires annonçant moult réjouissances et festins, vous rasez aujourd’hui les têtes des curieux qui allongent leur pas sur les remparts de granit.
De vos cris poussés hauts et forts, vous masquez les plaintes des demeures de ces coureurs des mers lointaines à la recherche de trésors inouïs, éblouissants d’étrangetés.
A chaque miles parcouru, chaque pièce prenait une valeur bien supérieure à sa simple valeur marchande. S’y ajoutaient la sueur des marins qui ruisselait sur leurs peaux tannées par le soleil, les rides de leurs visages burinés par les alizés, les muscles saillants sous l’effort pour carguer les voiles ou les affaler sous les assauts de la tempête, le sang de leurs mains crevassées par les orins salés, les corps cousus dans les toiles et rendus à la mer après les affrontements pour ces richesses convoitées et conquises après maintes tractations.
Des petits carreaux de chaque fenêtre ornant ces façades lissées sans relâche par les embruns, des chiens assis découpant les toits d’ardoises de multiples ouvertures, des lourdes portes de chênes frappées irrégulièrement par les marteaux en laitons décorés aux armoiries de leurs habitants, les boiseries murmurent de folles aventures cachées dans les fils des tapisseries recouvrant les murs intérieurs et mettant en valeur les mobiliers aux bois précieux de rivages sauvages.
Des gorges de ces volatiles au plumage blanc et pur s’échappent les pleurs de ces épouses et mères attendant le retour de leur aimé, les menottes de leurs enfants blotties dans les leurs, progéniture masculine qui a son tour arpentera le pont d’un navire et suivra les routes maritimes de leurs ancêtres.
Savent-ils ces élèves de l’Ecole de la Marine marchande, picorant leurs frites contenues dans une poche en aluminium, tirant sur leur cigarette, affalés insouciants sur les marches de pierre sous le chaud soleil de cette fin de printemps qu’ils sont les descendants de preux et valeureux hommes qui parlaient à la mer de leur mère et de celle de leurs enfants quand la lune haute parmi les étoiles éclairait la hune comme un phare au milieu de l’océan ?