Rentrée scolaire

Il y a trois ans qu’il est apparu avec sa tignasse brune si fournie que toute la maternité est venue le voir.
Trois ans, que je ne le quitte que rarement, mais aujourd’hui il faut que je laisse à des mains étrangères, à des personnes que je ne connais pas.
Je n’ai pas le choix, lui non plus.
Je n’ai pas dormi depuis 4 jours. Je te sens excité d’aller jouer avec des copains et des copines, je sais que ce n’est pas aujourd’hui que ce sera le plus difficile car tu n’as pas encore réalisé que nous allons être séparés toute la journée.
Mais demain est un autre jour, survivons déjà à celui-là.
Nous approchons de la grille, sur le trottoir les poussettes se croisent difficilement.
Une petite fille s’accroche à son papa, noyant sa chemise de larmes. Je sens ta petite main qui s’agrippe à la mienne. Tu as toi aussi ressenti sa détresse. Tu me regardes avec tes yeux bleus, j’y lis de l’appréhension. Je te souris pour te rassurer, ébouriffe tes cheveux. Tu secoues la tête en riant.
Nous voici devant la grille. Nous la passons derrière une famille de trois enfants. Ils tirent, crient, se disputent.
Devant chaque classe, une grande feuille de papier blanc, les noms par ordre alphabétique, une jeune fille y pose des croix au fur et à mesure de l’arrivée des bambins.
Je cherche le tien, le trouve, la boule qui me bloque la gorge me fait mal. La maîtresse a un grand sourire devant le désarroi qu’elle lit dans mes yeux. Elle tente par des paroles apaisantes de me rassurer. Elle se baisse vers toi, te tend la main, tu te réfugies derrière mes jambes.
Je me penche, te prends dans mes bras, couvre ton visage de bisous, tu caches dans tête dans mon épaule. Ton cœur commence à comprendre...
Il me faut tout mon courage pour te poser par terre, te pousser doucement en avant et te dire d’y aller.
Je vois les larmes noyer tes yeux. Avant que tu voies les miennes, je tourne les talons, essaie de rendre mes oreilles sourdent à tes appels et je pars au travail.
Le cœur lourd de ton chagrin, de ta détresse, même si je sais que l’on s’occupera bien de toi, car ton enseignante n’en est pas à sa première rentrée.