Cette nuit j’ai rêvé d’elle. Majesté drapée d’un velours d’ocre lumineux , elle foulait de ses pieds nus les sillons fraîchement labourés.
La terre humide devait être glacée dans ce matin d’octobre frisquet. Des lambeaux de brumes s’accrochaient aux collines et l’aube pâlissait à peine l’horizon. Elle allait, l’allure légère, où j’aurais quant à moi cent fois glissé, cent fois perdu l’équilibre et mille fois maudit la froidure.
Elle allait et riait, c’était comme un carillon, un tintement de campanules, et son rire éveillait les oiseaux. Elle était l’Aurore, et sa course appelait le soleil. Elle était Vénus et ses cheveux défaits chantaient l’amour.
Je la regardais s’avancer, moi qui restais englué dans les boues du sommeil. J’aurais voulu me lever, courir à sa rencontre, mais mes jambes inertes ne parvenaient pas à m’extraire de la glèbe. J’aurais voulu courir, lui faire de grands gestes, l’appeler, crier, et aucun son ne sortait de ma gorge.
Elle s’avançait vers moi, et je pouvais découvrir ses longues jambes quand à chacun de ses pas baillait sa tunique négligemment serrée. Encore un peu et je pourrais en apprécier le grain lisse et ferme. Encore un peu et je pourrais deviner la pâleur laiteuse de sa gorge, en désirer la tiédeur. Et cependant en moi, ce n’était pas l’excitation qui gagnait mais l’engourdissement, et le froid m’étreignait maintenant dans un suaire de drap rugueux.
Elle avançait et, prolongeant le gracieux mouvement de ses cuisses, dansait le triangle sombre de sa toison. Le soleil qui se levait lança un éclat de feu sur l’acier de sa faux.