SOLDEE

- J’hésite...
- Vous hésitez ! Comment ça ? Mais voyons, elle vous va à ravir !
- Vous trouvez ?
- Mais si, je vous assure !
- Hmm... Si vous le dites...
- Vous en doutez ?
- Ma foi...
- Qu’est-ce qui vous chagrine ?
- C’est... c’est ce pli, là...
- Un pli ? Quel pli ?
- Ce pli, là, juste sous la nuque, qui barre les épaules. Il me fait le dos rond...
- Bah ! Un simple faux-pli, sans importance.
- Ah ! Vous voyez que j’ai raison : tout n’est pas parfait.
- Allons, ce n’est pas grave. Il vous suffit de vous redresser... Là, comme ça... Encore un peu. Voyons... Tournez vous... Là, c’est bon. Elle tombe impeccable !
- Impeccable, impeccable, vous avez de ces mots. Je ne suis pas un saint tout de même.
- Je n’irais pas jusqu’à dire ça (rires), mais tout de même, pour un homme, vous ne vous en tirez pas si mal. Allez-y, marchez.
- ...
- Alors ?
- Alors ça serre un peu.
- Où ça ?
- A l’encolure. J’ai l’impression de manquer d’air.
- Vous n’avez qu’à vous déboutonner, ou ne plus respirer.
- Mais dans ce cas, je vais mourir !
- Qui vous parle de mourir ?! Tout de suite les grands mots... Il vous suffit de supporter quelques contraintes, de vous garder de toute velléité d’individualité et de faire comme tout le monde : marcher droit, sans vous poser de questions. Allons, marchez encore. Là, c’est bien, c’est mieux. A présent retournez vous, regardez vous dans la glace. Comment la trouvez-vous ?
- Ben... J’hésite encore.
- Je vois. Je ne vous comprends pas. Vraiment, vous êtes difficile. On la croirait faite pour vous. Vraiment vous avez tort d’hésiter. On n’en fait plus des comme ça ; en plus elle est soldée.
- ...
- Non ? Toujours pas convaincu ?
- ...
- Bon, dans ce cas tant pis... Retirez cette vie et remettez-la en rayon. Disparaissez. Suivant !