Le jeune homme s’était endormi dans la mousse fraîche. Il n’avait pas eu le temps de fermer les yeux mais après tout, la frêle primevère à côté de lui, n’avait pas non plus refermé ses corolles avant de faner ses fleurs.
Son regard fixait les étoiles qui tournaient dans le ciel.
A des lieues d’ici, une jeune fille marche inquiète sur le quai de la gare, parfois sur la pointe des pieds pour mieux voir au travers des fenêtres des wagons. Ils sont là presque fantômatiques, les blessés, les prisonniers. Elle marche de plus en plus vite s’arrêtant parfois devant des militaires balafrés, et, tenant une photo à la main, elle interroge...
-L’avez-vous vu, c’est mon gigolo, regardez comme il est beau dans son costume bleu, regardez ses yeux verts comme ils pétillent, ne voyez-vous pas toutes ces étoiles au fond de ses yeux, l’avez-vous vu, hein ? L’avez-vous vu ?
Alors les hommes las et les femmes souriantes d’un geste qui dit non, détournent la tête.
L’automne se penche sur le jeune homme qui fixe encore les étoiles et les anges du Paradis.
Quelques feuilles rouges, brunes et jaunes ferment à tout jamais les yeux du soldat disparu...